"La nature morte existe entre deux extrêmes : la peinture de genre, une représentation de la vie de tous les jours qui nous émeut par sa familiarité, ces scènes de la vie quotidienne qui semblent toujours contenir une nature morte en puissance, souvent plus poignante que le spectacle qui se déroule autour d'elle; et la vanité, avec ses entassements surréels de symboles de la mort, tels des crânes, des bulles, de la fumée, et d'autres signes de l'évanescence de la vie, qui nous inquiètent par leur bizarrerie, par l'évidence allégorique, et non pas réaliste, de la chose.
Dans les meilleures natures mortes, il y a toujours beaucoup de promesses - ou de reliefs - de fête, et un soupçon de mort; dans les vanités, c'est l'inverse. Combien de fois ai-je mangé un repas qui ressemblait à ces apprêts d'un déjeuner, de simples restes, une pause délicieuse entre deux séances de travail, une austère nécessité parfois rehaussée d'un verre d'excellent vin. (J'allais écrire vin existentiel, et pourquoi pas, puisque peu de
choses exaltent l'existence mieux que le vin, comme le savait si bien Baudelaire.)
Au contraire, combien de fois ai-je vécu la moindre chose, le plus insignifiant événement, comme un signe de ma dernière heure. Parfois, dans le luxe resplendissant d'une nature morte aux fruits, on voit un papillon (pointe de joie) ou une araignée (pointe d'angoisse), comme s'ils étaient descendus directement d'une vanité accrochée sur le mur adjacent ; ode à la joie lépidoptère où la fugacité n'empêche pas la beauté, ou trouble-fête arachnéen qui gâche le sens de carpe diem par l'irruption inopinée et honnie de la corruption, comme la sauterelle qui vient de se poser sur le beau dahlia orange devant la maison où j'écris ces mots.
L'iconographie est spécifique et relativement bien codifiée : pour qu'une bulle puisse symboliser la vanité des choses terrestres, elle doit être suffisamment grande pour pouvoir refléter notre image. Ainsi les bulles de Champagne, belle invention baroque, sont du côté de la joie ; les bulles rouges de Maria José Arjona sont d'un pur esthétisme, jusqu'au moment où elles sont prises dans le dispositif de la mémoire;
http://www.youtube.com/watch?v=Q870ZmNbuEg
le calme exceptionnel, l'attention extrême, et la fascination absolue manifestés dans La Bulle de savon de Chardin préfigurent le retour du réel par l'inévitable éclatement, façon extraordinairement subtile de signifier la temporalité inexorable au sein de la sérénité exquise."
Allen S. Weiss Métaphysique de la miette Argol éditeur 2013.
Photos Versus 2013.
nous naissons dans une bulle ..et souvent nous rentrons , retournons et restons...
RépondreSupprimerEt " le retour du réel par l' inévitable éclatement ", Elfi...!
RépondreSupprimerJ' ai trouvé très saisissante cette performance - " action painting" de M.J. Arjona.La bulle éclate et nous offre le sang de la naissance, le sang d' un sacrifice ou bien encore celui d' un rituel.
L' auteur du texte mis en ligne parle d' une performance semblable à celle de la vidéo pendant laquelle l' artiste danse ses émissions de bulles.
Raides bulles chez les mousses, que taire? Bon week-end Versus et attention aux pubs sournoisement dissimulées dans les commentaires. : )
RépondreSupprimerArrondir les angles?
SupprimerAvec tous ces enfants surbookés je suis professeur de coinçage de bulle ...
RépondreSupprimerVous leur soufflez sûrement la solution sans avoir recours à aucune bulle, ne serait-ce une Bulle Papale!
Supprimersans les émousser?
RépondreSupprimerUn souffle suffit.
Supprimercadeau, en passant :
RépondreSupprimerhttp://www.dda-ra.org/fr/oeuvres/MONNIER/Page-langage/Page-textes/Page-bulledesavon
Il existe aussi de Peter Sloterdijk, BULLES Sphères I Pluriel édition, 2002.
SupprimerTout sur la bulle ou presque tout.
Avec une iconographie passionnante, tel le détail du couple dans la bulle du Jardin des plaisirs de Jérôme Bosch.
Ou bien encore la mise en exergue d' une réflexion poétique de Henri Michaux extraite de " Magie" : "Je mets une pomme devant moi sur la table.Puis je me mets dans cette pomme. Quelle tranquillité! "
Bien à vous.
oh, merci !
SupprimerOui, possible. Tu l'as prouvé.
RépondreSupprimerEt si la remarque concerne la seconde photographie, on ne peut voir aucune des bulles qui doivent sûrement exister quelque part. Mais nous ne pouvons les voir...
SupprimerS' il s' agit de la première photographie, je n' ai fait que "saisir" l' image de certaines bulles à un certain moment. Le récipient fut objectivement le plus efficace pour ce rôle!
Supprimer;)
Bulles bleues... En première impression, je ne vois guère de bleu dans les natures mortes anciennes, le bleu serait-il du côté de la vie ?
RépondreSupprimerIllusion vite perdue : c'était oublier le velours du raisin, le pichet bleu, la transparence d'un verre.
Et de l' expression : ne voir que du bleu, qu' en pensez-vous?
SupprimerBonne soirée.
elle est " mortelle" cette vidéo! maman ...vite je vais "buller" dans ma bulle...avec du Champagne...peut-être !
RépondreSupprimerPourquoi "mortelle"?
RépondreSupprimerIl s' agit de " bulles de culture ", voyons!
on dirait une scène de crime....un vrai bouillon de culture!
RépondreSupprimerL' auteur dont j' ai extrait le texte du billet nous parle d' une autre manifestation qui concerne ces fameuses bulles rouges, son pendant en quelque sorte :
RépondreSupprimer" En juin 2009 j'ai assisté à une performance extraordinaire, Remember to Remember, qui faisait parti du festival « In Transit » à la Haus der Kulturen der Welt à Berlin. Tout au long de la journée, pendant une semaine entière, l'artiste colombienne Maria José Arjona, une présence féerique habillée de blanc, déambulait lentement d'un pas de danseuse, entre deux parois parfaitement blanches et parallèles érigées dans le grand hall du bâtiment, faisant des bulles de savon rouge. Des bulles rouges innombrables. Elle les dirigeait vers les parois où elles éclataient silencieusement, et au fur et à mesure de la performance, l'accumulation de petites taches rouges transformait les surfaces blanches en tableaux abstraits. Un enchevêtrement chaotique et grandissant de petits ronds. (Par contre, ses vêtements ressemblaient au tablier d'un boucher à la fin de sa journée de travail.) Puisque j'étais à la HKW pour créer des danses macabres avec les poupées de Michel Nedjar - grotesqueries de chiffon tachées de sueur, de boue, de sang, de teinture, enterrées puis exhumées pour nous prendre à témoin de l'existence de l'outre-tombe -, j'étais très peu disponible pour voir d'autres spectacles, mais de temps en temps je prenais quelques
minutes pour admirer l'élégance de Maria José et voir la progression des taches. Un jour je suis arrivé un peu tard et j'ai noté, perplexe, un changement : de chaque côté du couloir entre les deux parois se trouvait un complice muni d'un filet à papillons, dont la tâche, si je peux le dire, était d'attraper toute bulle qui risquait de s'évader. J'estimais que ce changement ajoutant un aspect comique, diminuait la beauté de la performance. La vérité était tout autre : le bâtiment étant classé, la moindre tache au plafond aurait nécessité qu'il soit totalement repeint; donc plutôt que de voir sa performance supprimée, Maria José avait été obligée d'accepter la présence de ces gardiens. Finalement, l'artiste a trouvé une solution plus gracieuse : elle crevait les bulles vagabondes avec un léger et aérien geste de sa main.
J'étais fasciné par la beauté de Maria José, par ses bulles, par ses tableaux. Et encore plus lorsque ensuite, la partie tachiste terminée, elle couvrait de peinture blanche la totalité des parois avec la phrase « Remember to remember ». Et tout à la fin, une semaine après, elle chantait devant ce tableau « Je ne regrette rien » jusqu'à en perdre la voix. C'était comme si chaque petite bulle - créée, captée, occultée -répondait à un souvenir, et pour moi chaque souvenir répondait à une poupée de Nedjar, signe de mortalité, monument aux disparus."
Allen S. Weiss Métaphysique de la miette, Argol éditeur.
j'avais besoin d'une explication! la voici donc merci...je comprends mieux et le tachisme ( que je pratique ) me plaît beaucoup ! par sa,liberté, sa part d'erreur , son illogisme....et sa beauté souvent! merci encore *_*
RépondreSupprimerson illogisme.... où plutôt son aléatoire?
RépondreSupprimeroui! c'est ce que je voulais dire....l'aléatoire n'est-il pas illogique ?
RépondreSupprimerCe que je voulais simplement faire remarquer, c' est que votre démarche de peintre tachiste me parait suivre une démarche logique ( genre rythme particulier de travailler la toile à peindre, l' endroit où vous l' abordez et la finissez, etc..) tout en faisant des taches dont le résultat des éclaboussures est aléatoire.Il se peut même que votre façon de faire ces taches suive une orientation logique.
RépondreSupprimer( Je pense aussi à notre performeuse qui obéit à une logique comportementale pour émettre ses bulles de savon alors que le résultat de l' éclatement de celles-ci s' avère aléatoire.)
Bonne soirée!
vous pensez beaucoup! j'ai mal à la tête *_*
RépondreSupprimerPensez-vous, c'est comme la gymnastique!
SupprimerIl faut une pratique que certains exercent à très haut niveau ( ce n' est pas mon cas, je vous rassure! ) et de l' entretien régulier. Comme aussi la marche nordique par exemple que je pratique, il existe des parcours modérés, moyens ou difficiles.
Et puis il faut aussi compter les jours avec et les jours sans...
...L' important étant de franchir l' obstacle et pour cela, prendre ( penser ) les moyens appropriés.
SupprimerIl est possible de s' arrêter devant ou de le contourner, mais là ce n' est plus du jeu!
( ce n' est pas mon cas, je vous rassure! )
SupprimerJ' ajoute un " hélas"!
En ce qui me concerne j' aspire encore à plus haut et ne suis nullement rassuré d' y parvenir!
vous avez raison! je suis beaucoup trop oisive! une contemplative....*_*
RépondreSupprimerMais la contemplation peut être une activité, n' est-ce pas?
Supprimerc'est exténuant d'ailleurs....et la paresse est mère de tout perfectionnement....non.?
RépondreSupprimerDans le perfectionnement il peut y avoir un vice de forme comme dans la paresse...
SupprimerIci tout est mouvement, entre contemplation et attente.
RépondreSupprimerNe pourrait-on pas parler alors d' ébullition?
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