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mardi 30 juillet 2013

Un retour






UN RETOUR


Sur le lac les voiles faisaient un poème blanc et compact
mais mon souffle n'était plus leur égal
et ce n'était plus un lac mais de moi
un miroir stupéfait une lacune du cœur.







 UN RITORNO


Sul lago le vele facevano un bianco e compatto poema

ma pari più non gli era il mio respiro

e non era più un lago ma un attonito

specchio di me una lacuna del cuore.







 Vittorio Sereni
Les instruments humains Poèmes
Traduit de l'italien par Philippe Renard et Bernard Simeone Verdier éditeur 1991.






Photos Versus, Juillet 2013.




mardi 16 juillet 2013

Franchir le Rubicon






 MON EFFACEMENT

Quelquefois je m'efface entre deux paysages
la lune de ma vie
s'accroche aux arbres morts
la mer s'est endormie
les vagues n'aboient plus
le silence respire
et la nuit se soumet à la croix des étoiles.


Je m'efface merveille
et m'éveille surface.





Pierre Boujut, Nouveaux proverbes Rougerie éditeur 1973.







L'ensemble des photographies Versus. (Photo 1, vue d' hôpital .)



lundi 1 juillet 2013

Tous les groupes humains font des marques sur les surfaces.






" Tous les groupes humains font des marques sur les surfaces. 

Cela crée des différences : les objets se distinguent les uns des autres, ils deviennent des symboles de rang ou de prestige, ils acquièrent plus de valeur ou incarnent d'autres fonctions spécifiques. 
Faire des traces introduit donc des systèmes symbo­liques, où chaque objet prend une valeur relative à sa position dans le réseau des autres objets. De tels systèmes, dont l'exemple privilégié est le langage parlé, s'imposent aux êtres humains dès le moment où ils naissent, et même sûrement avant. Les désirs et les fantasmes des parents précèdent ceux des enfants, et le simple fait de dire : « C'est une fille », ou : « C'est un garçon » porte en soi toutes les hypo­thèses, les suppositions et les idéaux qu'un parent peut avoir quant à la signification de ces termes.




 Nous naissons dans un univers de signes et, du point de vue psychanalytique, l'expérience de la
perte en est une des conséquences principales : la perte de la mère due aux interdits du complexe d'Œdipe, la perte de la jouissance du corps due aux contraintes de l'éducation, et les différentes formes de perte qu'implique l'émergence de la parole et du langage. Et la perte crée le désir, l'aspiration à retrouver quelque chose que nous croyons avoir possédé autrefois. L'art fournit un espace unique à l'intérieur de la civilisation pour symboliser et éla­borer cette quête.








Une surface peinte, pour prendre l'exemple le plus simple, peut indiquer quelque chose au-delà d'elle-même ; elle délimite un lieu inaccessible. De nombreux mythes sur l'origine de la peinture, que l'on trouve chez Pline et jusqu'à la Renaissance, relient celle-ci à l'acte de tracer une ombre, et donc, en un sens, d'encadrer une absence. 

En effet, on ne peut pas saisir une ombre puisqu'elle manque de la substance d'un corps. Mais, fait également signi­ficatif, les œuvres d'art occupent des espaces privi­légiés, qu'il s'agisse des recoins des grottes ou des niches aménagées par le marché de l'art. De même que les traits et les traces qui coupent les contours des formes de l'art archaïque rendent ces formes différentes, de même la place que le marché de l'art accorde aux œuvres les rend uniques, différentes de tout autre objet. Elles habitent un espace spécial.





 En termes lacaniens, les œuvres d'art occupent la place de la Chose, qui ne peut jamais être repré­sentée en tant que telle, mais simplement évoquée comme un au-delà. Il y aura donc toujours une ten­sion entre l'œuvre d'art et la place qu'elle occupe, et on a soutenu que l'art moderne vise à préserver l'écart minimal entre la place et l'élément qui vient s'y mettre. Bien que beaucoup de gens aient vu dans l'émergence des ready-made de Duchamp le signe de la destruction de l'art, cette perspective implique qu'ils en ont simplement extrait la structure fonda­mentale, soit la tension entre l'œuvre et l'espace où se trouve cette œuvre. 
D'où l'importance de Carré noir de Malevich, une œuvre qui n'est rien d'autre que le contraste entre le fond blanc - la place - et le carré noir - l'élément qui l'occupe. Et comme des objets sexuels traditionnellement tabous peuvent être représentés aujourd'hui sans trop de problèmes, l'idée d'un « au-delà » est réduite à quelque chose de purement formel. Ce qui compte, c'est que la distance entre l'œuvre et la place qu'elle occupe soit maintenue."




Darian Leader, Ce que l'art nous empêche de voir Petite bibliothèque Payot 2011.




( Peinture collage Jean Marie Staive 1 et 6 - Photos Versus 2 à 5.)