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samedi 22 mars 2014
André Breton n' habite plus à l' adresse indiquée
Il est question de vouloir se battre pour essayer de racheter la maison d' André Breton à Saint Cirq La Popie dans le Lot.
Mais la demeure du poète ne réside-t-elle pas essentiellement dans son œuvre?
1- Photo Versus
2- Photo d' André Breton et de Benjamin Péret à Cahors sur le pont Valentré en 1951. Claude Courtot Introduction à la lecture de Benjamin Péret - Association des amis de B. Péret, Le terrain vague éditeur 1965.
samedi 8 mars 2014
Peut-on considérer un tableau sans son mur?
" Si je perçois le tableau sur le mur, il ne fait que le décorer (1). Il faut au contraire cesser de percevoir le mur pour pouvoir imaginer le monde auquel le tableau nous invite. De même, combien d'auditeurs à un concert ne ferment-ils les yeux, comme s'ils sentaient d'autant plus intensément ce que la musique exprime qu'ils auraient cessé de percevoir le monde où elle est jouée ! N'est-il pas significatif, à cet égard, que les lumières s'éteignent au théâtre juste avant que la scène ne s'éclaire, comme si on éprouvait d'autant plus la réalité du jeu qu'on ne percevrait plus celle du monde où il se produit ? Ainsi, dans le sommeil, sommes-nous d'autant plus disposés à être envoûtés par le monde du rêve que nous n'avons plus conscience de celui où nous sommes endormis. Pour que nous puissions rêver, notre sommeil doit être en effet assez profond pour nous avoir ôté toute conscience de la réalité. Dès lors nous vivons ce que nous imaginons comme si nous le percevions : pris par le rêve comme on est pris au jeu, nous jouons ce que nous imaginons comme si nous le vivions (2).
De même que le rêve est un jeu inconscient de lui-même où nous jouons ce que nous imaginons, de même le jeu est-il donc une sorte de rêve réglé auquel nous nous disposons délibérément. Comme on a pu dire que le normal est éclairé par le pathologique, de même pourrait-on dire que si l'homme n'était pas capable de délirer il ne serait pas capable de jouer. Car le jeu manifeste cette faculté qu'a
la conscience de se soustraire à la prégnance du réel et de se laisser obséder par ce qu'elle imagine comme par la prégnance même de la réalité. Sans doute Sartre a-t-il bien montré combien nous nous illusionnons sur les illusions de l'imaginaire. Parce que la conscience ne peut imaginer sans poser l'irréalité de ce qu'elle imagine, pensait-il, elle ne peut pas plus croire à la réalité de ce qu'elle imagine que douter de celle qu'elle perçoit. Pourtant, telle que l'atteste le fait tout banal de se prendre au jeu, l'expérience est peut-être un peu différente."
1. Il va de soi que rien n'est plus contraire à l'art que la décoration. Alors que l'art invite notre imagination à refaire notre vie en changeant de monde, la décoration prétend changer le monde pour changer notre vie en nous ôtant le désir de nous en évader. Alors que l'art ne s'adresse qu'à l'imaginaire, la décoration se veut une fête de la perception. Telle est la grande révolution opérée dans la seconde moitié du XIXe siècle par les inventeurs de l'art nouveau. De même que le progrès des techniques permettrait d'installer partout le confort moderne, de même que le socialisme allait partout instaurer la justice, de même, se substituant à l'art, la décoration allait nous réconcilier avec le monde en y installant la beauté. L'homme allait être enfin dispensé d'attendre et d'imaginer. On n'aurait plus besoin d'art ni de métaphysique : le monde allait être si beau qu'on n'en rêverait plus d'autre.
2. Que l'irréalité vécue dans le rêve ait la même prégnance que la réalité, l'observation en est si banale qu'elle a pourvu l'histoire de la philosophie de l'exemple le plus topique pour critiquer l'évidence naturelle ou la certitude sensible. On a moins remarqué que le rêve peut nous avoir si bien persuadés de sa réalité que nous continuons d'y croire après nous être réveillés. Je me rappelle, par exemple, lorsque j'avais treize ans, avoir rêvé de si véhéments conflits avec mes professeurs que l'un d'eux m'avait mis en retenue. Si prégnante avait été l'image du surveillant m'en remettant la convocation que je m'excusai de ne pouvoir me joindre à mes camarades, le jeudi suivant, par le fait que je devais me présenter au lycée. Au moment de m'y rendre, je cherchai l'indispensable convocation, et c'est en m'angoissant de ne pas la retrouver que je me souvins d'avoir seulement rêvé l'altercation, la punition, et la remise de la convocation. Durant cinq ou six jours, toute une partie du rêve s'était donc intégrée à ma représentation de la réalité. Il est vrai, pour conforter les analyses de Taine, que rien de ce que j'avais rêvé n'était incompatible avec la réalité. Rappelons que, pour Taine, nous n'avons affaire qu'à des images. Comme des hallucinations, toutes prétendent représenter la réalité. Mais celles qui ont plus de cohérence et de systématicité agissent comme des « réducteurs ». En dénonçant l'incompatibilité des autres, elles réfutent leur prétention à représenter le réel, et de la sorte les destituent, les invalident, les relèguent. Réduites à l'état de « fantômes », ce seraient ces représentations en état de relégation qu'on nommerait des images.
Nicolas Grimaldi Traité de la banalité PUF 2005.
Photos Versus 2014.
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