"Quels sens pourraient avoir isolés les géants ou les sirènes du Palais Idéal ? Tel ou tel détail de la grève sculptée de Rotheneuf ? Tel personnage ou élément du manège de Petit Pierre ? Tout cela trouverait-il sa place dans une biennale ou un salon ?
En fait, notre société n'a digéré l'art brut qu'en l'émasculant de sa vraie puissance parce qu'elle l'a poussé à se multiplier, à accuser ses tics, à systématiser ses faiblesses au lieu de les combattre. Et surtout parce que ce n'est plus l' œuvre, mais la personnalité même de l'auteur qui est prise comme matériau, exhibée, lésée de sa liberté.
Ainsi l' art brut est entré presque clandestinement dans la voie de la vulgarisation. C'est une des entreprises les plus révoltantes et attristantes de notre économie culturelle ; il
s'agissait d'un domaine privilégié, mais hautement vulnérable.
Depuis « Les inspirés et leurs demeures » — qui ras-
semblait d'aussi hautes réalisations que celles du Facteur
Cheval, de Mermin, le jardinier féerique et du recteur de
Rotheneuf—jusqu'au déferlement des « Singuliers de l'art »
(L'arc— 1978) quelle invasion, quelle prolifération de « Turbulences », (selon l'atelier Jacob) de paysagistes-amateurs en mal d'exhibitionnisme et de demeures qui ne sont plus inspirées!
Aurons-nous bientôt la F.I.A.C. des solitaires et la
biennale des marginaux ? quelques exceptions — qui n'en
apparaissaient que plus lointaines, telle Madge Gill — n' empêchaient pas cet énorme ensemble d'apparaître dénué presque totalement de cette grande tension créatrice qui caractérisait
la première révélation de l'Art Brut, en 1965, aux
Arts décoratifs. Mais que penser de ces cohortes, de ces théories sans fin d'artistes « hors les normes », si ce n'est qu'une fois encore on a voulu hypostasier délibérément comme
phénomène collectif ce qui procède du domaine essentiellement individuel, et le plus secret."
Jean Revol Faut-il décourager les arts? La Différence éditeur 1994.
Photo Versus.
Pour précision:
RépondreSupprimerUn des éléments déclencheurs de ce billet, ici,
http://lepoignardsubtil.hautetfort.com/archive/2013/10/13/tromperie-sur-la-marchandise-5195089.html#comments
Le texte de jean Revol ouvre à bien d' autres questionnements à propos des pratiques et usages de l' art dit brut, devenu une simple étiquette type "canada dry".
Cela rejoint aussi le questionnement de mon précédent billet...nous sommes passé directement au sanctuaire et à la " sanctification" de l' art brut.
pas vu.. mais j'ai rencontré en septembre monsieur andré pailloux..
RépondreSupprimerun homme créatif.. sans prétention pécuniaire et starisation..avec un soupçon de fierté ..
Il est bien dans son "monde", là est, je suppose, l' essentiel.
SupprimerEn ce moment je suis un peu gavée du Récup'Art !
RépondreSupprimerSurtout que le récup' Art se fait lui-aussi récupérer. On en sort pas!
SupprimerNe pas confondre Aloïse et Halloween !
RépondreSupprimerExact!
SupprimerLa première transforme les citrouilles en carrosses graphiques, amoureuse de son Prince tandis que la seconde nous déguise en citrouille creuse!
Être la sirène d' un géant financier, le rêve de l' artiste vénal intégré!
RépondreSupprimerUn rêve de princesse?
SupprimerL' enfance de l' art?
( Citrouille, carrosse et de nouveau citrouille, le temps y fait dans l' affaire?!)
l'expo fait la cote et ainsi de suite,le lieu aussi. Bref sans réseau!
RépondreSupprimerUn bon dimanche de pioche .
Bzzz...
Quelquefois monter la côte ...et plus dur sera la chute!
Supprimer;)
Vos nains de jardin s' essaient à éteindre le feu de l' art désormais "brut à tous les étages" avec le mauvais instrument. Il leur faudrait une énorme lance à incendie...
RépondreSupprimerPierre L.