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dimanche 9 juin 2013
Voyage au pays-masque
" Une des méthodes que l'homme utilise le plus fréquemment pour défendre sa zone territoriale intime consiste à porter un masque et à se tenir en retrait derrière son image de marque sociale, la neutralité du visage de bois, du regard inexpressif ou souriant à la commande, la poignée de main faussement chaleureuse. Se conformer au paraître que les autres demandent ou que vous croyez qu'ils demandent... Jusqu'à ce que le masque ne puisse plus tomber, qu'il colle tellement étroitement à la peau qu'il soit devenu impossible de l'enlever sans s'arracher du même coup la chair.
Alors, masque = visage. Nous revoici prisonnier du royaume d'illusion.
La personne = le masque qu'elle porte, retrouvant ainsi l'origine étymologique du mot personne qui désignait le masque-mégaphone ou personna, symbolisant le rôle tenu par l'acteur de théâtre antique. (On distinguait environ vingt-cinq espèces de masques tragiques et plus de quarante espèces de masques comiques.) Et, c'est le vrai visage, lorsque par instants soudain il se révèle qui apparaîtra incongru, sale, indigne, grimaçant, dans son impudique nudité. Nous ne saurons jamais quel aurait pu être ce visage cadenassé à double tour, s'il avait été vrai, si celui qui l'habite et tous les autres auquel il réagit, lui avaient permis d'être vrai. Bien sûr, la vie est plus facile quand l'individu se fait objet-caméléléon. Vous pouvez alors cesser de considérer l'autre comme en être humain. Plus de problèmes ! Habillement, gestes, attitude. tout devient langage codé d'un corps qui dit à l'autre : tu es une non-personne. Tu n'as pas de sentiment. " (...)
Pierre Tilman ERRO éditions galilée 1976.
Photos Versus.
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oh mais comme c'est triste !
RépondreSupprimermême si les masques sont aussi jolis et colorés
que ceux-ci, un regard qui bouge, des mots qui
chantent, une peau qui vibre dans la lumière
une poignée de main sincère ... c'est de l'or en barre !!
souvent les masques tombent vite d'ailleurs !
bon dimanche mister JeanMarie
Triste, le texte mais les masques, pas plus que cela!
SupprimerN'est-ce pas en quelque sorte le " je est un autre ", le jeu avec l'autre, avec les autres?
Toutes les civilisations ont pratiqué, pratiquent le masque.
Du masque à gaz au masque à gag...
Au Littré, seize acceptions pour le mot masque, cela m' a étonné à la lecture!
Bon après-midi!
pas d'avis sur la question,ou alors plus tard.
RépondreSupprimerBon dimanche.
Laissez tomber ce masque de timidité bourdon..à plus tard, donc.
SupprimerUne vision quelque peu effrayante... mais, sans doute comporte-t-elle une part de vrai.
RépondreSupprimerOn pourrait appeler cette situation : être collé au personnage...
SupprimerMais, il suffit de regarder un être aimé dans les yeux pour entrer au profond de sa vérité.
RépondreSupprimerPour le reste -social et Cie- oui, le masque, souvent, comme une autoprotection...
Enfin, de soi à soi est le pire des masques. Qui sommes-nous ?
Le roman le plus terrible que j'ai lu sur ce thème c'est celui de André de Richaud "La nuit aveuglante"(Deyrollle Editeur), magnifiquement écrit. Le thème : Cyprien chausse un masque affreux, rouge sang, surmonté de deux bourgeons de cornes. Le masque du Diable, quoi ! pour faire peur à la procession qui passe sous ses fenêtres. Mais il ne put enlever le masque... "Le masque mange le visage de l'enfant, semant autour de lui horreur et rejet. Cyprien s'enfuit loin des siens pour disparaître dans la nuit la plus sombre, la plus reculée, la mère de toutes les nuits..."
Je vous laisse découvrir la suite. Mystère, mystère...
Ah, le masque du diable, Christiane!
SupprimerJ' ai trouvé cet extrait de texte de A.M. Boyer tiré de L' homme et ses masques - chefs-d’œuvre des musées Barbier-Mueller chez Hazan..
" Devenir un autre que soi-même, n'est-ce pas le désir de tout le monde ?
Porter, ne serait-ce que pour une heure, le visage de quelqu'un de plus prestigieux, de plus valeureux, jouer au caïd, au Napoléon ? Se protéger des autres, mais surtout, peut-être, de soi-même ? Devenir le piège et l'image d'une figure de l'autre monde ? Être plus fort, plus séduisant, se déguiser pour commettre des facéties, se permettre des mots que l'on n'oserait pas en d'autres circonstances, chatouiller, en toute impunité, un jour de carnaval, les filles dans les rues, leur soulever les jupes sans qu'elles protestent (sinon par des rires de pure convenance), ou bien effrayer, horrifier par l'apparence sous laquelle on se cache, devenir, en un instant, Dracula ou le monstre de Frankenstein, faire peur en courant de toute part sur les places. Autant de joies secrètes, qui travaillent l'esprit en profondeur. Et les Vénitiens, ou les touristes venus pour le carnaval de Venise, le savent bien : le masque autorise la liberté la plus folle, celle même que la morale, ou la vie ordinaire proscrivent. Quel plus grand plaisir que de se faire admirer (quand on est laid) lorsqu'on a loué pour quelques heures ou pour quelques jours une parure inspirée des traditions du XVIII ème. siècle, quel plaisir de s'affubler d'un masque d'Arlequin (quand on est timide, que l'on rougit en croisant le regard de la première fille qui ose vous regarder) pour devenir insolent, impudent ? Lorsqu'on est paré comme un prince de Versailles, comme une marquise, une actrice du théâtre italien, quelle victoire de pouvoir, une seule seconde, intéresser les passants par autre chose que son moi dérisoire ou vulgaire, les captiver par une image illusoire ! "
( La suite ci-dessous.)
(suite...)
Supprimer" Quel bonheur de susciter l'effroi, ou bien de fasciner les passants pour autre chose que sa pauvre personne, et du coup attirer vers soi toutes les louanges (« Oh ma chère, regarde ce masque, comme il est ravissant ! »), ou se sentir à l'abri des coups, des insultes (« Oh le vilain masque, quel cochon, il m'a pincé la fesse ! ») ?
Non, vous n'avez pas rêvé. Vous avez bien entendu : ces jeunes dames n'ont pas parlé de passants, d'individus, mais bien de « masques ». Ce n'est pas moi-même qui suis visé, mais un postiche. Ne suis-je pas invulnérable, dissimulé sous ma carapace ? Que l'on puisse insulter, frapper ce travestissement conçu comme bouclier, au moins le porteur est sain et sauf, préservé, soustrait à toutes les injures qui pourraient le toucher, lui. Cracher sur un masque met celui qui le porte à l'abri des crachats, de leurs souillures. Se masquer, c'est presque devenir L'homme invisible de Wells. On n'est plus M. Dupont, de Vesoul (France), mais justement : on est devenu un « masque », une autre personne, une vraie personne, on est devenu quelqu'un, ou quelqu'un d'autre, c'est-à-dire une persona. Puisqu'il s'agit pour l'instant de carnaval, faisons, cette fois, semblant déjouer le jeu, jouons au pédant : tout le monde sait que le mot de personne, ou persona, est un vocable de la langue du théâtre, et qu'il désignait jadis le masque que portait l'acteur. Mais on le croit souvent très banalement d'origine latine, alors qu'il s'agit d'un emprunt à l'étrusque phersu : ce mot, retrouvé sur une inscription", indique effectivement un masque. Il provient donc de l'ancienne Étrurie, proche de la région qui donna beaucoup plus tard naissance à ce que l'on appela, au XVIII siècle, la « comédie de masques » ou, pour les Italiens, la commedia dell'arte.
En revanche, le mot masque, lui, vient du vieil italique, il est prélatin, mais à l' origine,il désignait un être malfaisant, hideux, un diable, gros ou petit, alors qu'en grec, un seul et même terme désigne le masque et le visage."
Bien sûr, la commedia dell'arte, c'est au XVI ème siècle!
Supprimer( Erreur de transcription.)
Très beau texte.
SupprimerJe pense à Frankenstein, son visage horrible et la paix qu'il ressent quand une petite aveugle n'écoute que sa souffrance, son désarroi, sa voix. La vue est source de jugements parfois méprisants ou horrifiés, de malentendus.... Nous en servons-nous bien ?
Nous sommes double Christiane, le cœur et l' écorce (le masque)...!
SupprimerAvancer masqué: sociale obligation.
RépondreSupprimerPeut-on vivre, tout simplement, sans masque?
SupprimerLes masques et les cothurnes aident aussi à se hisser plus haut, à ne pas se laisser enfermer dans un rôle individuel, ils donnent de l' audace et préservent la pudeur.
RépondreSupprimerC'est vrai que l'on croit souvent que le masque n'est que fuite, dissimulation, esquive. Il est certainement affirmations plurielles aussi...
SupprimerBelles tofs !
RépondreSupprimerPeindre les masques avant que de les photographier, ce fut un vrai plaisir!
SupprimerSous les masques, la bouche cède souvent en premier; peut-être parce que c'est par là que l'on parle ?
RépondreSupprimerEt le son de la voix se heurte à cette paroi, à cet autre de soi. Le masque est-il notre conscience?
SupprimerEt pour qu'une personne " mette sur son propre visage un autre visage sculpté et peint, encore faut-il qu'elle ait conscience d'exister vraiment comme un être humain, précisément comme une personne.(A.M. Boyer, opus cité.)
Depuis plusieurs siècles, nous dit encore A.M. Boyer, " la pensée occidentale croit se fonder sur divers axiomes tel le " je pense donc je suis". Mais ne serait-il pas plus cartésien de dire : "je me masque, donc je suis"?
Telle est, peut-être, la vraie origine de l' humanité, le moment précis, la seconde où l' être pensant a eu conscience d'être une conscience : lorsqu'il a eu l' idée de porter devant lui ce bout d'écorce avec deux trous pour faire les yeux."
Et dire que l'on a même pas encore abordé le trouble du double du masque Africain...
RépondreSupprimerAu pays Basque dans certaines provinces, on promène durant les fêtes de carnaval un personnage, sorte d'épouvantail vêtu et portant un masque, nommé San Pantzar, on le juge en place publique, l'accusant de tous les maux dont on veut se débarrasser, puis on le brûle sur un bûcher. La procession est parfois accompagnée d'une troupe de Joaldunak constituée par des hommes très costaux, format rugbymen, habillés d'un pantalon, d'une jupe blanche en broderie anglaise, d'une grosse peau de mouton à longs poils, chaussés d'espadrilles portées sur des chaussettes blanches montantes, coiffés d'un haut chapeau conique posé sur une base en dentelle blanche, couronné de plumes et orné de rubans multicolores virevoltants. L'ensemble est complété par un genre de fouet en crins noirs. Il faut bien la carrure "force basque" pour supporter cela car au surplus, d'énormes sonnailles sont fixées sur les reins par une large ceinture, et tout l'enjeu consiste à marcher en rythme soutenu en décrivant des figures dans un vacarme sidérant et franchement impressionnant.
RépondreSupprimerC'est un pays dont par ailleurs les habitants manifestent peu de faux semblants dans la vie quotidienne.
La solution est peut-être là : oser montrer son "vrai" visage, ses émotions, et chasser rituellement les "mauvais esprits" une fois par an ?
Il ne vous aura pas échappé la proximité phonétique et exotique de mon titre avec le Pays Basque, tchaoupisque!
SupprimerVoici votre San Panzar en ligne
http://www.sudouest.fr/images/2011/02/13/317185_15706561_460x306.jpg
et la troupe Joaldunak
http://www.youtube.com/watch?v=OyWuf6a7FWI
Belle découverte, merci.
Le "masque" étant par ailleurs les tenues particulières de corps de métier ou de fonction. Tenue ecclésiastique ou militaire, de juge ou d'avocat, chacun jouant un "rôle" au sens noble du terme.