J.M. STAIVE œuvre originale |
Voici.
Voici le monde muet, non par antécédence au langage, mais par évacuation du langage : un courant emporte les mots, l'écoulement les balaie, les engloutit, les noie. Ce monde muet est un monde du Déluge : purification, effacement des plis, table rase. Et les mots glissent, les voyelles sont inondées, les consonnes voient leurs fondations s'ébranler. Perdre pied, pour celui qui parle, c'est alors se laisser submerger par sa propre logorrhée. Grandes eaux de paroles qui lavent et noient. Évacuation de ces grandes eaux à la fois faites de cette masse liquide de logorrhée et souillées par les mots qui s'y pressent. Évacuation des eaux usées pour laisser place nette, étouffement des sons articulés, place nette au silence : un silence bruissant encore, mais d'un bruissement indifférencié, un bruissement de gommage : la dérive même, ce murmure sourd. Et son langage.
De cette subversion labile, où tout glisse et s'écoule, on parvient ainsi à ce fond où parle l'hémorragie elle-même. Sur ce fond de murmure, sur cette place nette de mots articulés, peut alors naître une nouvelle articulation, mouvement des lèvres, d'abord timide, labial d'après labile, nouveau langage, sur fond de langage car dérive. Langage rafraîchi. "
Daniel Klébaner, Poétique de la dérive Collection Le Chemin Gallimard 1978.
Les mots ne sont pas un rempart, ils glissent indéfiniment jusqu'à ceux qu'on veuille les emprisonner dans un cadre fixe. Ils ont aussitôt vite fait de s'échapper en semant le trouble dans l'esprit de ceux qui les lisent et les interprètent, sans la moindre certitude.
RépondreSupprimerSuperbe dessin, une corps-rolle de mots vaporeux !
le langage de la dérive est un nouveau langage...frais donc , pas forcément audible par tous, riche, imagé, dream ou fight...c'est selon! pour la soeur de Candide ce sera dream bien sûre
RépondreSupprimerBelle inondation de mots qui nous entraîne dans ses méandres. Et votre dessin n'est-il pas une invitation à se perdre dans ces rythmes liquides ?
RépondreSupprimerSuperbe en tout cas !
J'ai toujours aimé le mot "labile" plus encore que "labial" d'ailleurs et le nouveau langage, langage rafraîchi après la logorrhée purificatrice oui, langage qui est autre forcément ( mais ni tout à fait un autre ni tout à fait le même ) murmuré davantage et comme dérivé après avoir perdu pied, les eaux usées expulsées, laisser faire le déluge ...
RépondreSupprimerTrès belle illustration que votre oeuvre aux pétales bleus d'eau qui semble tourner mais doucement dans un peu d'or ...
Merci aussi pour ce superbe texte déposé en deux langues que j'ai fort apprécié ...
@Saravati
RépondreSupprimerVoua avez les mots exacts, rafraîchissants en cette chaude soirée.
Je retiens votre corps-rolle très évocateur!
Merci et à bientôt!
@Gwendoline.
RépondreSupprimerOui, frais comme un bleu pastel, I have a dream today!
Belle soirée.
Claudine, à propos d' inondation il va me falloir arroser les fleurs de la terrasse, bien réelles celles-là et j' y laisserai quelques gouttes d' énergie. Pas une perle de rosée!
RépondreSupprimerLe rêve est liquide, ainsi celui des grappes que l' on vendange pas très loin...
Bonne continuation.
Véronica,
RépondreSupprimerQue de compliments au rythme des courants aquatiques! je les accepte avec lucidité et simplicité. Mais que de super commentatrices ce soir, pourvu que ça dure!
A très bientôt.
Quant au texte de V. Sereni, c' est comme une réponse indirecte à votre texte de F. Pessoa en liminaire sur votre blog.
Que de la bonne compagnie.
Ciao.
je crois que celui qui sait se servir des mots d'une manière habile, a tous les pouvoirs...
RépondreSupprimerSi parfois dans les flots de mots on se baigne, puis se noie, ici, il n'en est rien... Avec pour guide cette fleur aquatique, on ne perd par le fil... de l'eau ;)
RépondreSupprimer@***Isabelle***,
RépondreSupprimerLe poids des mots, d' accord! Et le choc des photos?
Belle soirée à vous!
AH, le blÖg d' Ötli, les mots ne se baignent jamais dans le même flot! ( Pour paraphraser l' aphorisme fameux d' Héraclite.)
RépondreSupprimerSalut Cordial à vous.
l'eau salvatrice mais aussi parfois dévastatrice, féminin envahissant débordant qui ne demande qu'à être. Je suis bercée par ce bleu et cette logorrhée, je prends ma bouée avant l'hémorragie ;-)
RépondreSupprimerTrès belle harmonie entre votre création et ce texte !
Oui Lautreje, quelle richesse thématique que celle de l' eau ( il faudra y revenir). Et le féminin envahissant, bonjour les dégâts ! ( Bon le masculin...il vaut son pesant de cacahuète aussi!)
RépondreSupprimerEt pour en revenir à la logorrhée, n' êtes-vous pas fascinée par les écritures délirantes et continuées de ces artistes marginaux qui revivifient les mots éculés, les mots laids, les mots sillons, les mots tifs et les monnaies des momies ramollies dans le feu de l' action pour leur rendre toute leur force d' impact.
Bon je m' égare un peu..
Mais qu' en pensez-vous?
A bientôt!
chacun s'exprime comme il le souhaite, je pense qu'il y a de la place pour tout le monde...
RépondreSupprimerBonsoir Lautreje!
RépondreSupprimerTout à fait d' accord avec vos propos!
Bonjour et soyez la bienvenue Krystal!
RépondreSupprimerLuzern, un beau pays...
A bientôt alors!
La thèse de Michel Scheider, (je viens de retrouver un vieil Esprit) "Baudelaire ou les années profondes" étaient que celui ci avait la hantise des l'images et l'impossibilité de traduire dans sa langue ce que voiyait sa mémoire...voir avec les mots...ce qui conduisit Baudelaire" habité par un peintre"... à l'aphasie...
RépondreSupprimerBelle remarque et prolongation de réflexion laurence!
RépondreSupprimerPour Baudelaire effectivement, c' est bien plus que du rafraîchi qu' il s' agit.
Une véritable recréation, une authentique invention.
Il me semble que chez lui, le symbole est convention et que l' Allégorie baudelaire, comme certains la désignent, est une invention, la forme-sujet d' une création poétique.
Je reprends un passage de Michel Schneider dont vous avez mentionné l' œuvre fort à propos.
" Baudelaire ne décrit pas les tableaux. Il les écrit, s' affranchissant de leur "livret", commettant volontairement ou non des erreurs dans la transcription verbale de l' œuvre picturale, condensant des éléments de plusieurs tableaux pour composer une image, déformant certains détails pour les mieux inscrire dans sa vision."
Non, non, cher ami. Les mots sont neufs et n'en finissent pas d'éclore et d'essaimer. Il faut les laisser s'accorder comme le veut le vent, ou encore la lumière qui en dessine chaque lettre en... langues bleu-ciel-de-mot. Des mots effilochés dans les nuages pour faire eau-pluie-gouttes éphémères dans le silence. Tip-tap-top. Ecoutez ! Ils réinventent le monde et font i-mages à l'étoile. J'aime les mots autant que l'eau, la terre et la lumière. Le langage est bien utile ou complètement inutile mais les mots-bleus font coque du vivre...
RépondreSupprimerMais christiane, les mots sont neufs lorsque l' on met en marche notre propre moteur à imagination. C' est ce que vous faites magnifiquement vous-même dans votre commentaire supra!
RépondreSupprimerSinon ils sont rangé dans le dictionnaire, dans l' attente que nous nous en saisissions. Bien sûr que nous les dépoussiérons par le rythme de la phrase et sa syntaxe.
C' est vous qui les faites briller comme un sou neuf!
Vous savez bien que rien n' est plus troublant et merveilleux que lorsque les mots en perdent la parole!
Belle fin de soirée à vous!
Love this! Have to look at it again and again. :)
RépondreSupprimer@Monica Cate
RépondreSupprimerYou can come here all the time you want and you will be always very welcome!