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samedi 21 juin 2014

La nuit lave l' esprit






La nuit lave l'esprit.


Peu après on est ici comme tu le sais bien,
rangée d'âmes le long de la corniche,
l'un prêt à bondir, l'autre presque enchaîné.


Quelqu'un sur la page de la mer
trace un signe de vie, fiche un point.
Rarement apparaît une mouette.





Mario Luzi Prémices du désert, poèmes 1932-1956 Gallimard 2005.








L' ensemble des photographies Versus.

vendredi 13 juin 2014

La vie courante...





 " La vie courante... Il suffit d'une branche qui brise le flot ou d'une pierre dans le jardin pour que nous soyons attentifs au mouvement comme à l'étendue.



Une des causes du malaise dans la vie courante, le langage, le lan­gage qui se perd, qui nous égare : écrire un poème, serait-il court, de temps en temps,lui rendre souffle et consistance.



Trop de définitions, la plupart abstraites, emphatiques, ne font qu'alourdir la poésie : ne serait-elle pas l'art de respirer ou plutôt de faire respirer ? La pierre et le jardin, la branche et le flot : les mots et le souffle, ce n'est pas seulement le langage qui se régénère."







Pierre Dhainaut Dans la lumière inachevée Mercure de France éditeur 1996.


 

L' ensembles des photographies,  ©Versus 2014

jeudi 5 juin 2014

Lenteur





allons : les mots sont à tout le monde
et l'oiseau du matin : vite, vite, vite
(fait-il) vite encore, serait-ce
qu'il n'ose user le mot lenteur ?
ou serait-il devenu comme
tout le monde : pressé ?





Jean Claude Pirotte Le Promenoir magique et autres poèmes 1953-2003 la table ronde éditeur 2009.

Photo Versus mai 2014.

jeudi 29 mai 2014

Omo Pictor




L' homme de par son art n' est plus le singe de Dieu ni sa créature inversée.
Il assume même totalement son animalité.


Atelier d'artiste en Corrèze. Photo Versus 2012.

lundi 19 mai 2014

Un principe d' esthétique




[...] Voici un principe d' esthétique ( vous voyez que je ramène tout à mon métier ), une règle, dis-je, pour les artistes : Soyez réglé dans votre vie et ordinaire comme un bourgeois, afin d' être violent et original dans vos œuvres.

Gustave Flaubert
A Mme. Tennant.( Croisset ) Jour de Noël 1876.


Photo Versus.

jeudi 8 mai 2014

De l' exil





" Sois d'exil et bénis l'exil ! Tonnerre enfui, pierre lavée !
Ta bouche a-t-elle encor souffle après la tornade ? Alors nous verrons bien si ton peuple est d'exil, si ta plante est d'exil, et si ton talon s'est marqué sur la route exilée des morts !
Si tu es de ces hautes landes libres ! de ces lacustres idées ! de ces vides sou­verains au carrefour des avalanches !
Dis l'exil ! Nomme l'exil ! Nous verrons si ta demeure est assez creuse et descend dans assez de vent et s'incruste enfin tran­quille par delà pierres et planches.



 
 

L'exil dont je veux parler maintenant est l'état d'exil intérieur et de proscrip­tion pour cause de nature, de tempé­rament, forme de pensée ou manière de vivre. Je connais cet état depuis une vingtaine d'années. La conscience de cet état, la mesure de son étendue, ont été mes préoccupations ordinaires. On peut être en parfait état d'exil au milieu des siens ; je sens que je n'ai pas vécu autrement."




Pierre Jean Jouve En miroir Mercure de France 1954.





Photos Versus 2014.
Tableau de bernard Lachaniette détail ( première photo).

jeudi 24 avril 2014

Peut-on voir la nuit?





" Voir la nuit signifie voir pendant qu'il fait nuit, mais aussi voir cet objet particulier qui s'appelle nuit : irracordable à tout autre, isolé de chacun en même temps qu'ils en sont tous atteints et, en quelque sorte, rejeté par eux : parce qu'il n'a pas de dimensions et qu'ainsi il les abolit tous en les recouvrant (références rhétoriques : voile, creuset, tombe, manteau). Voir pendant qu'il fait nuit - c'est plus particulièrement le fait des chats et des nyctalopes - suppose les yeux ouverts tandis que voir l'objet nuit se peut pareillement qu'ils soient ouverts ou fermés : l'objet nuit, donc, une sorte d'anti-objet, non qualifiable à la manière dont on le fait de tous les autres (parce qu'il est soumis à une approche autre) ou encore : lui seul, lui étant là, et sa fréquence égale à celle du jour, à faire l'objet d'une vision autant que d'une vue. Et puisque ce n'est que ce qui n'est pas là qui fait l'objet d'une vision, non d'une vue, la nuit est et n'est pas là.




Mais aussi les deux significations que comporte « voir la nuit » s'accorderont dans la profondeur du miroir. Sans doute parce que celui-ci n'étant que surface, sa profondeur inventée provoque par son inexistence le désir de pénétrer, au même titre que l'abolition de l'objet par la nuit suscite son fantasme obsédant. Car on ne voit la nuit que si le miroir est là et si elle y est entrée, recouvrant le verre de signes et d'un certain bleu glacé, la couleur même de la nuit. (Qualifiée bleue si le bleu, et il en sera de même quand il s'agira du ciel ou de l'eau, informe d'un objet dont la surface et la profondeur se confondent et sur lequel l'avancée du regard s'interrompt et se propage tout à la fois). C'est trop peu de dire que le miroir reflète la nuit : son opacité la voit et la relate au regard comme si elle n'était pas là devant, mais pâle derrière l'œil, invisible."




Jean Tortel Le discours des yeux Editions Ryoan-ji 1982.




L' ensemble des photographies originales, Versus 2014 France.