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mercredi 13 mars 2013
Le tact des étoiles
Comment la beauté peut-elle se défaire,
se brouiller ? Et qu'est-ce que la beauté ?
Les lignes, les teintes, l'étreinte en douceur
de la chair-lumière, la lumière lisse et ronde
du soir encore à naître, qui glisse sur la peau
par les doigts qui sondent, par les lèvres, les yeux,
l'eau des regards, une ivresse, une tendresse d'or,
le tact des étoiles avant d'apparaître,
un battement d'ailes dans le soleil, le jeu
de la mer au fond des corps, un contact sans voiles,
un perpétuel éveil. Comment la beauté défaille-
t-elle, jusqu'à se défaire ? Et pourquoi ? Puisqu'elle
ressemble, si brusquement, au Ciel.
Jean Mambrino L' Hespérie, pays du soir Arfuyen éditeur 2000.
Photos Versus
Cahors Place Gambetta
Le Lot au pont de Pradines.
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Merci pour ce superbe texte.
RépondreSupprimerJe partage votre avis manouche!
Supprimerla beauté défaille ?...Elle évolue vers une autre beauté !Très joli ce texte!
RépondreSupprimerEt rien ne brille dans le ciel comme vous l' avez certainement remarqué.
Supprimernon! je viens de voir...pardon
SupprimerMais on vous pardonne, Gwendoline...Surtout qu' il nous reste quelques petites étincelles dans l' eau du fleuve!
Supprimerc'est la photo nocturne qui me plait beaucoup..
RépondreSupprimer..Et aucune étoile à l' horizon, encore..
SupprimerMa grande hésitation porte sur le choix de la plus grande beauté, entre le titre, la photo et l' article... c' est sans doute la lumière qui donnera la réponse.
RépondreSupprimerOui, la lumière et les intermittences de ses reflets!
Supprimer( Le titre est de Jean Mambrino en personne.)
SupprimerSouvent je croise quelques fées sur mon chemin de blogueur, Orfeenix, Gwendoline, serait-ce un hasard ?
RépondreSupprimerElles passent par ici (et bien d' autres aussi) comme des comètes, avec tact.
SupprimerVous l' avez remarqué Jeanmi !
"La beauté nous soulève dans ses bras, nous porte quelques instants à la hauteur de son visage, comme font les mères avec les tout-petits enfants pour les embrasser, et puis, sans prévenir, elle nous repose à terre, nous remet à notre vie trébuchante - comme font les mères" C. Bobin, Mozart et la pluie.
RépondreSupprimerBelle image qui dit aussi toute la subjectivité charnelle et spirituelle de la beauté!
SupprimerVous connaissez Bobin, Tchaoupisque?
bonne soirée à vous.
"Lot", bien belle sonorité pour un fleuve, tout à la fois explosif avec sa dentale "t", et tout en rondeur avec son "o" bien ouvert (belle illustration par ton image). "Tangere" qui accouche de "tact", "tangere" c'est doux sous la langue, et voilà que nous héritons de "tact", très saxon dans son explosivité qui ne reflète plus guère, à mon oreille, le toucher qui effleure. Digression... mais voilà où Mambrino et JM m'emmènent :-) Une illustration du "Voyage" (Charles B). Les "beautés" pour en revenir à elles (plurielles) sont timides, multiples. Un bien beau billet JM. Merci
RépondreSupprimerTollé pour le Lot, pour rester sur une dentale, Frédérique!
SupprimerEt du tact au talc, la peau des mots se fait douce encore...
Beauté, enfance de l'art?
:)
Bravo pour les photos versus !
RépondreSupprimerC' est dans la marche que mon regard, je le mâche!
SupprimerBelle soirée.
et l'écume fut constellée
RépondreSupprimerNos regards, peut-être...?
SupprimerJ'espère que la beauté ne se défait que pour se faire plus belle encore. Et je pense à un titre de livre aperçu cette semaine chez mon libraire... "Quand la beauté nous sauve"...
RépondreSupprimerLa beauté?
SupprimerElle est dans les détails..
Et si la beauté était dans le regard plus que dans la chose ou paysage regardés. Et si ce sentiment était lié à notre état émotionnel ? aux expériences mémorisées où la vue et l'être étaient dans une sorte de bonheur parfait ou de choc émotionnel ?
RépondreSupprimerCette eau, reflétant la lune (ou un soleil voilé), cela peut être un paysage romantique pour promeneur solitaire, un écrin pour des amoureux, un triste paysage pour celle qui va se jeter dans l'eau les poches pleines de cailloux (V.Woolf), une réalité neutre si elle n'est pas regardée, un frisson de crainte pour celui, qui poursuivi, doit la traverser à la nage...
Et cette vue nocturne de Cahors, ce noir percé d'une multitude de lumières, qui l'a contemplée, photographiée, à par vous, Jean-Marie ? Peut-être à deux pas de vous un passant préoccupé, était peu sensible à sa beauté.
Aussi, vos visages grimaçants sur fond d'écriture, sont-ils un bon contrepoids à cette question : "Qu'est-ce que la beauté ?"
Jean Mambrino pose cette question redoutable :
"Comment la beauté défaille-t-elle, jusqu'à se défaire ? Et pourquoi ?"
Mystère des vieillesses, des délabrements, des pourrissements. Comment regarder alors, si ce n'est avec tendresse et respect (ou horreur) ce qui fut un idéal ? Je crois que la beauté existe dans cette faille entre harmonie et laideur, attirance et répulsion. Certaines toiles de Rembrandt, de L.Freud, de Soutine, de Picasso... ont exploré jusqu'à la chair sanguinolente cette faille.
à part
RépondreSupprimerOui, Christiane, il existe des moments d' inattention après l' attention, qui défaillent.
SupprimerVous avez fort justement et avec quelle élégance, exprimé ces instants.
( Emprunter un pont par un froid matin de marche, comporte toujours quelque chose de l' angoisse de l' enfant.Comme d' être en suspens entre deux mondes..)
Bien à vous.
Il me semble sans être originale que le ressenti de la beauté est culturel (surtout) et personnel de même que la notion de vérité en philosophie.
RépondreSupprimerUn défaut peut contribuer davantage à faire ressentir la "beauté" qu'un ensemble de règles et de conventions, non?
En philosophie, ce mot ( ce concept) présente pas mal de difficulté, en effet.
SupprimerNous pourrions ouvrir une discussion en reprenant déjà quelques termes comme kallos, pulchritudo, Schönheit, beauty ou encore belezza.
Passionnant sujet!
— "L’idée de beauté ne descend dans la matière qu’elle n’y soit préparée le plus possible. Cette préparation consiste en trois choses : l’ordre, le mode et l’espèce ou forme. L’ordre signifie l’intervalle des parties, le mode est relatif à la quantité, la forme consiste dans les lignes et couleurs. L’ordre ne suffit, ni l’intervalle des parties, ni ne suffit que tous les membres du corps aient leur place naturelle, si ne s’y joint le mode qui donne à chaque membre la grandeur qui lui est due, proportionnellement au corps, et si n’y concourt l’espère, en telle sorte que les lignes soient faites avec grâce, et dans un suave accord de lumières et d’ombres s’avoisinant. Et de tout cela appert-il manifestement que la beauté est éloignée de la matière du corps, de laquelle elle ne s’approche, si elle n’y est disposée par des préparations incorporelles. Et ainsi peut-on conclure que la peinture n’est autre qu’une idée des choses incorporelles, et que si elle montre les corps elle en représente seulement l’ordre, et le mode selon lequel les choses se composent, et qu’elle est plus attentive à l’idée du beau qu’à toute autre. Et de là quelques-uns ont voulu que cette idée fût la seule marque et, on peut dire, le but de tous les bons peintres, et que la peinture fût l’amante de la beauté et la reine de l’art."
RépondreSupprimerNicolas Poussin
Quel texte, c' est beau comme un Poussin!
SupprimerJe reviens au Kalon..
RépondreSupprimerLe mot Kalon lui-même, que traduit très improprement le terme « beau », doit nous alerter : Kalon est tout ce qui plaît, suscite de l'admiration, attire le regard. L'objet beau est celui qui, en vertu de sa forme, satisfait les sens, la vue et l'ouïe entre autres. Mais ce ne sont pas les seuls aspects perceptibles par les sens qui expriment la Beauté de l'objet : pour le corps humain, les qualités de l'âme et du caractère jouent aussi un rôle important, qualités perçues par l'œil de l'esprit plutôt que par ceux du corps. À partir de là, on peut ébaucher une première notion de la Beauté, liée aux arts qui l'expriment et sans un statut unitaire : dans les hymnes, la Beauté s'exprime par l'harmonie du cosmos, en poésie, elle s'exprime dans l'enchantement qui réjouit les hommes, en sculpture dans la mesure appropriée et la symétrie des parties, en rhétorique dans le rythme juste.
Platon (Ve-IVe av. J.-C.) Le Banquet
" À ce compte, quels sentiments, à notre avis, pourrait bien éprouver, poursuivit-elle, un homme qui arriverait à voir la beauté en elle-même, simple, pure, sans mélange, étrangère à l'infection des chairs humaines, des couleurs et d'une foule d'autres futilités mortelles, qui parviendrait à contempler la beauté en elle-même, celle qui est divine, dans l'unicité de sa Forme ? Estimes-tu, poursuivit-elle, qu'elle est minable la vie de l'homme qui élève les yeux vers là-haut, qui contemple cette beauté par le moyen qu'il faut et qui s'unit à elle ? Ne sens-tu pas, dit-elle, que c'est à ce moment-là
uniquement, quand il verra la beauté par le moyen de ce qui la rend visible, qu'il sera en mesure d'enfanter non point des images de la vertu, car ce n'est pas une image qu'il touche, mais des réalités véritables, car c'est la vérité qu'il touche. Or, s'il enfante la vertu véritable et qu'il la nourrit, ne lui appartient-il pas d'être aimé des dieux ? Et si, entre tous les hommes, il en est un qui mérite de devenir immortel, n'est-ce pas lui ? socrate - Voilà Phèdre, et vous tous qui m'écoutez, ce qu'a dit Diotime ; et elle m'a convaincu. Et, comme elle m'a convaincu, je tente de convaincre les autres aussi que, pour assurer à la nature humaine la possession de ce bien, il est difficile de trouver un meilleur aide qu'Éros."