" Habiter n'est pas jouer, ériger n'est pas jouer. Jouer, c'est vivre, traverser, s'en aller, revenir, c'est enfin habiter aussi, habiter encore, mais au sein du grand jeu d'un espace de cartes battues, d'un espace d'écrans, de trouées et de feuilles, d'un espace ouvert. La ville dicte à l'architecture le texte ouvert, vivant et raturé que le passant viendra lire.
L'ouvert, qui est aussi une catégorie philosophique ultime, ne se réduit pas, bien entendu, à des ouvertures aussi discrètes que celles des passages dérobés de Santa Maria della Pace, mais il passe par elles comme il passe partout où il a été cultivé et voulu. Une clairière s'ouvre dans la forêt pour reconduire la forêt et l'idée même de ville, c'est que jamais un arbre ne cache la forêt, que jamais non plus la clairière ne soit une simple coupe, claire ou sombre.
La ville est une rivalité de fûts et de lumière, une rivalité d'allées. Une allée, c'est ce qui va, s'en va, ce qui s'en est allé, et s'en aller va à l'architecture, lui va comme le gant de la main heureuse qu'elle pourrait être et qu'elle est parfois. « Faire partout le travail de la clairière » (l'expression est de Henri Gaudin) comme l'a fait en son temps Pierre de Cortone, c'est intervenir en plein dans l'hiatus qui sépare l'imposition de l'architecture de la proposition urbaine, ou la proposition de l'architecture de l'imposition urbaine, et le résoudre."
Jean-Christophe Bailly La phrase urbaine Seuil éditeur 2013.
L' ensemble des photographies Versus, 2013.
il manque un mot essentiel à mes yeux. Composition.
RépondreSupprimerBzzz...
Formidable et exacte votre remarque bourdon!
SupprimerIl faut composer avec et non pas composer tout court.
Il faut aussi relire les écrits théoriques de Henri Gaudin ( l' entre-deux du bâtiment) et voir ses travaux d' architectures.
( Je n' ai pas mis les liens pour la Santa Maria della Pace, ni pour Henri Gaudin ni pour l' auteur de ce texte, J.C. Bailly. Je fais confiance à la sagacité des lectrices et lecteurs de ce blog!)
Bàv.
de Godin à Gaudin je me ballade,bon week-end Versus.
RépondreSupprimerPassionnant la pensée théorique mise efficacement en pratique de l' architecte Henri Gaudin!
RépondreSupprimerMerci pour son évocation ici, sur ce blog!
Jean-Paul.
Voir ci dessous en lien une conférence récente d' Henri Gaudin sur sa conception de l' architecture
Supprimerhttp://laab.fr/dsaa/?p=2046
Super photos monsieur l'architecte de l'image! Celle avec les deux tours est géniale.
RépondreSupprimerMathieu F
Il s' agit, Mathieu, d' une architecture médiévale qui fut édifiée dans un temps "long".
SupprimerElle prend en compte les espaces du fleuve, des berges et les liaisons indispensables à la vie de la cité. Tout cela "coulisse" pour reprendre le terme employé par J.C. Bailly et par H. Gaudin.
Bonne soirée à vous!
La ville... les chantiers... ces terrains vagues, éphémères où le passant plante un décor imaginaire. On repasse, plus tard. Un jeu de construction est aux mains d'ouvriers. Qui à la bétonneuse, qui aux échafaudages. Bruits de l'immeuble qui se monte et s'endort au soir tombant. Puis on repasse. Immeuble terminé couvert d'affiches pour la mise en vente des appartements. Entre-t-il dans le décor urbain ou fait-il tache ? Tout n'est pas également pensé et réalisé. Les banlieues des villes poussent souvent sans grâce. Parfois se réconforter dans les quartiers dits de la vieille ville. Là où la pierre chante le passage du temps.
RépondreSupprimerLe béton économique semble tout envahir sans grâce.
Le texte mis en lien (Gaudin) est plein d'intelligence.
Parfois, dans l'oeil des photographes, un bonheur offert. Cueillir au passage telle harmonie, perspective, clair-obscur, l'homme dans son habitat, une flaque de ciel dans l'eau...
Je pense aussi aux villes bombardées, à celles éventrées par un séisme, à celle qui émergent en ruines et ensablées dans un film de science-fiction. Je pense aux temples d'Angkor, perdus dans la jungle.
Je pense à l'enfant sérieux qui construit un château de sable et creuse un fossé pour le protéger de la marée montante. Je pense à nos cabanes d'enfance...
Il vous faut lire, Christiane, le premier ouvrage publié d' Henri Gaudin, La cabane et le labyrinthe chez Mardaga éditeur.
SupprimerLa cabane et le labyrinthe, Editions Mardaga, 2000 - 233 pages
SupprimerCf.la présentation de ce livre:
" Les vieilles villes nous livrent des trésors d'espace, des agencements bizarres, des topologies rusées qui en font ce labyrinthe où la pensée architecturale devrait se vivifier. Celle-ci s'épuise dans un système de composition hérité du " classicisme " et qui n'est jamais qu'un cas particulier parmi tous les types d'assemblements possibles. Si l'architecture est bien la science des agglomérations, ce sont ces agencements qu'il nous faut découvrir à travers nos promenades, analyser brisures, décalages, glissements, face à face, pointer ce que la ville doit au parcellaire, aux intentions minuscules, au mode mineur, débusquer combien, si les grands dessins et les longues pensées l'ont parfois marquée de leur sceau de Beauté, le mythe néo-classique de l'extension en a provoqué la perte, a fait des villes nouvelles, des cimetières. Pourquoi cette morale de la distance, cette séparation, ce monde des exclusions quand la ville disait celui des proximités infinies, des parentés et de l'échange ? C'est cette interrogation qui sous-tend notre réflexion."
Merci.
RépondreSupprimerL'extrait donne envie de le lire, il faut dire que vos photos jouent aussi.
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