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vendredi 28 janvier 2011

La souffrance comme

                                   Jean-Marie Staive-Enveloppe peinte.

                                    


ce marais que le soir plombe,
que rien n' allège, ne parcourt
tant l' eau pesante assure son étreinte.

Parfois pourtant monte une bulle
qui fait dans l' air un mince bruit de bouche :
approche d' un langage ou d' une plainte.

Quelque chose là-dessous respire :
serpents noués, tortues géantes,
globe de chair vitreuse,
bougeant à peine, s' accouplant
avec lenteur, perpétuant
dans des chambres de vase une race cruelle.

Frêles, glacés,
nous ne pouvons plonger ni nous déprendre,
mais un geste est tenté par une main secrète
qui patiemment sur l' ombre trace un signe.

Nous attendons la lune. Elle paraît,
elle dénude nos visages.


Jean Joubert, Anthologie Personnelle, Actes Sud éditeur,1997.
Ce poème à pour destination les œuvres du peintre Cécile Muhlstein

                             J.M. Staive agrafage original.

.Pour mieux connaître JEAN JOUBERT, c' est ICI .

33 commentaires:

  1. Tu nous enveloppes de très belles couleurs et tu nous rafraichis d’un simple agrafage. Magique ! La force de ton blog c’est la force de tes créations réelles et très belles.

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  2. Merci de votre sobre et élogieux passage T.G.

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  3. Je reconnais là votre sens de l' observation Bourdon, qui s' y frotte s' y plonge! Mais le poème nous indique peut-être un danger, une frayeur. La main, ce messager, cet avant-coureur de la sensation de l' esprit nous maintient en vie.

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  4. Ah! la symbolique des eaux troubles! Le marais est un peu l' origine de la vie et le ventre maternel, une immersion aux épisodes charnières est source de renaissance purificatrice,après Mataya(le poisson hindou), Jonas et Ulysse, bonne noyade à vous!

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  5. Merci bleu , pour tes tes compliments..Tu sais qu' il y a quarante années de pratique en dehors des sentiers officiels de l' art
    . Mon désir, c' est de continuer le plaisir de l' art par correspondance et faire se retrouver cette interactivité là par le biais de l' internet.
    Le vécu aussi autre que le virtuel!
    Je signale au passage notre réalisation commune ( Jean Joubert et J.M. Staive ) " Une maison de miroirs ", édition Dominique Bedou, 1984. (Tirage de tête et édition courante en feuilles).

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  6. Nous déprendre de la frayeur de l' imaginaire engloutissant grâce à l' écriture orfeenix, c' est notre bouée, notre barque... même si nous naviguons de temps en temps à vue !
    Bon week end !

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  7. Cela ressemble un peu à un passage des "Travailleurs de la mer", ce texte de Joubert, avec la vie obscure grouillant dans les profondeurs, et matérialisant l'Ombre, par exemple à travers la poieuvre géante. Même le signe tracé est évoqué par Victor Hugo, de façon à mon avis plus directe et moins précieuse, car cette "délicatesse" (ou timidité) pour évoquer le mystère me paraît créer à l'infini les mêmes deux ou trois formules, qui reviennent sans arrêt dans la poésie contemporaine. Hugo était plus varié, parce que plus hardi. Cela dit, la Lune, ce n'est pas très hugolien, dans "Les Travailleurs de la mer", il évoquait plus volontiers les étoiles, les figures zodiacales, avec le côté hardi justement qu'on lui connaît. De Jean Joubert, j'ai lu un roman agréable de science-fiction écologique, qui se passe dans les Alpes provençales, couvertes d'une épaisseur incroyable de neige, un jour. Le roman suggérait (sans le dire trop nettement, de nouveau, avec un peu trop de "délicatesse", je crois), qu'il y avait des colonies humaines sur la Lune ou sur Mars, et que ces colonies allaient sauver l'humanité.

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  8. Il n' y a pas de progrès en art Rémi que je salue et remercie pour la visite.
    Moi j' aime la " délicatesse " lorsque elle est synonyme d' agrément, de douceur, de finesse et de recherche voire d' élégance.
    L' univers Hugolien, son écriture, sa musicalité m' a toujours retenu, mais rien de comparable avec Jean Joubert.
    Pas de classement ici à établir.
    Je vous sens très négatif, c' est un euphémisme, vis à vis de la poésie de ces cinquante dernières années.
    Je vous souhaite d' y trouver votre bonheur si ce n' est déjà le cas, et en cela ne pas trop fréquenter les cénacles parmi lesquels fleurissent des narcisses.

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  9. Je ne sais pas si je suis négatif, je ne cherche pas à l'être, en fait, la délicatesse, c'est bien en soi, mais je crois qu'elle a souvent été utilisée comme prétexte pour ne pas entrer concrètement dans ce dont on parle : sous prétexte de ne pas souiller le mystère on en revient toujours aux mêmes formules stéréotypées, "le signe", "la présence", et ma foi, si chaque poète était capable d'inventer à chaque fois un mot nouveau, cela irait, mais ces mots qui tournent autour d'une chose dont l'agnosticisme interdit de parler directement (car à mon avis, il s'agit bien de cela, il s'agit d'une doctrine obligatoire, depuis Valéry), ce sont toujours les mêmes ! Un peu ridicule, à mon avis. Au bout de la troisième fois, on cesse simplement de le prendre au sérieux et de le trouver poétique, car on se dit : Non, ce n'est pas ressenti individuellement, c'est juste un code pour les gens de bon ton, pour renvoyer à ce qu'il est interdit de nommer (et que finalement on nomme platement, puisque de façon répétitive).

    Ensuite, la qualité des poètes, je pense, c'est par périodes, la poésie de ces cinquante dernières années me fait un peu penser à la tragédie durant les années qui ont séparé Racine de "Hernani". Il y en a eu de bonnes, mais c'était quand même toujours la même façon de nommer les mystères de l'âme, précieuse et raffinée, et en même temps artificielle et répétitive. Quand on a commencé à traduire Shakespeare, on a découvert quelque chose de nouveau, et ça a fini par tout changer. Mais Jean Joubert, même s'il a ce style assez répandu qui se veut délicat et qui pour moi n'est que timide, m'est plutôt sympathique.

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  10. (Sauf que, quand même, la main secrète qui trace un signe dans l'ombre, j'ai l'impression d'avoir lu ça un millier de fois, dans la poésie contemporaine, et qu'il me semble que c'est du Hugo "lexicalisé", comme on dit en linguistique, c'est à dire figé dans des formules toutes faites ; car Hugo a réellement eu ce genre d'images, mais avec des couleurs combien plus vives !)

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  11. pardon!!Monsieur Rémi! j'ai un peu de mal à suivre...la prise de têêête !!le texte me renvoie plutôt à l'arrache cœur...

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  12. Moi, je trouve que sur le plan imaginatif, c'est moins inventif que Boris Vian, même si au premier regard on ne s'en aperçoit pas, parce que la poésie ne précise pas trop les choses : Vian inventait dans toutes les directions, mais ici, parler un peu imaginativement de vie grouillante dans les marais, c'est assez classique, ça l'est plus que Vian, ce n'est pas vraiment lié au surréalisme, par exemple. Les romans de Joubert sont du reste beaucoup plus classiques que ceux de Vian. C'est peut-être triste, et on a parfois envie de croire le contraire, mais les plus grands révolutionnaires sont souvent d'une époque révolue.

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  13. Très longue conversation téléphonique avec Jean Joubert, achevée à l' instant.Je lui ai lu les commentaires...
    Il me signale que le roman cité plus haut, " Les enfants de Noë ", est préempté pour une réalisation long métrage pour la télévision.

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  14. Je ne pense pas que les remarques que j'ai pu faire lui aient été bien agréables. Vous lui avez téléphoné exprès pour les lui lire ? "Les Enfants de Noé", c'est ce livre, ce roman que j'ai lu, et qui était agréable, même si la fin est frustrante, parce qu'il est suggéré qu'il existe des colonies d'êtres humains sur d'autres planètes grâce auxquelles le salut vient sur Terre, mais on n'en sait pas plus, et pourtant, justement, on aimerait en savoir plus, il y a ici une pudeur excessive. Mais ce que je dis, si ça peut être utile à quelqu'un, ce n'est pas tellement Jean Joubert, qui a sa carrière derrière lui, et qui a fait comme il lui a semblé bon, et qui a peut-être habitué peu ou prou le public français distingué ou conventionnel à la science-fiction, car les grands écrivains français du genre, en plongeant directement dans le fabuleux, ont pas mal dérouté, je pense. On les a regardés comme des suppôts de l'Amérique au sein des lettres françaises. Cela dit, j'inviterai volontiers Jean Joubert à conseiller vivement aux réalisateurs du téléfilm adapté de son livre d'en dire plus que lui sur les colonies extraterrestres, et même peut-être de rédiger pour eux ce qui, à mon avis, manque. Cela aura un air de révolution, à la télé publique.

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  15. Rémi, vous n' êtes pas le centre de nos conversations si vous voulez le savoir !
    Chacun jugera en tout liberté de vos propos.

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  16. Si je peux me permettre de participer à cet intéressant débat,j' oserai dire à la suite de versus qu' il est difficile de comparer des auteurs d' époques différentes, certaines rendaient l' audace urgente, même Vian luttait contre une pudibonderie ambiante et n'est plus un auteur contemporain, tandis que Jean Joubert a le talent de mêler des réminiscences de la beauté des topoï anciens à une modernité enrichie de relents psychanalytiques,je l' admire pour cela!

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  17. Eh bien j'avoue que pas moi, je ne pense pas que la psychanalyse ait une portée poétique plus grande que l'espèce de gouffre dont aux yeux de Hugo venaient ses images. C'est peut-être plus réaliste, ou plus dignement "agnostique", mais pas plus poétique. Cela fait un peu poésie dont on arrondit les angles pour plaire aux intellectuels du temps. Du coup, peut-être, on trouve plus convenable, plus lisible, moins effrayant. Mais plus poétique, je ne pense pas. Du reste, je pense que la culture moderne est tellement remplie, à travers les Américains, de récits de colonisations des autres planètes, que j'ai un peu du mal à trouver moderne le refus d'en parler, cela suggère au contraire qu'on n'a pas trop envie de s'écarter de la tradition française, c'est à dire locale, du roman réaliste. Mais je dois dire que son image, à Joubert, du globe de chair vitreuse, je la trouve suggestive, j'aurais bien aimé qu'il y ait dedans une sorte de lueur jaunâtre, ou quelque chose de plus parlant, mais enfin, ce n'est pas son style.

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  18. Là, vous me faite rire Bourdon car je ne sais pas laquelle !
    Est-ce une autre forme de pêche ?
    Et en eau trouble !

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  19. Cher Versus, je me permets de faire l' intermédiaire entre votre blog et celui d' un blog que je suis, car j' ai eu la surprise d' y trouver des textes de Jean Joubert et j' ai fait part de cette coïncidence à Arbralettres qui n' arrive pas à éditer de coms chez s, voici son courrier:

    Le monde de la Poésie est petit!! (et GRAND!!)
    Je ne sais pas pourquoi je n'arrive pas à mettre mon commentaire sur ce site )))-:


    voici ce que je voulais écrire si jamais vous vouliez transmettre Merci! (((-:

    merci Orfeenix pour le lien!
    J'ai un blog de poésie et j'ai mise quelques poèmes de Jean Joubert
    http://arbrealettres.wordpress.com/?s=jean+joubert
    Si ça vous dit un Index pour voyager au hasard dans le P'OASIS
    http://coolcookie.pagesperso-orange.fr/poesie/index.html
    Dans le marais nous avons TOUS besoin d'attendre la lune ou toute clarté qui nous emmène dans les cieux!! (((-:





    Ch
    :-)
    Blog de Poésie: http://arbrealettres.wordpress.com
    Index: http://pagesperso-orange.fr/coolcookie/poesie/index.html
    Blog de Photos: http://arbreaphotos.wordpress.com

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  20. @ orfeenix.
    Jean Joubert m' a indiqué l' existence de ce blog dont j' ignorais les références. Merci pour l' information !
    Je publierai ultérieurement les gravures et les textes de notre livre commun.
    Bonne soirée !

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  21. Très plaisants agrafages en contre-plongée et en plongée.
    Miroirs d'eau. Qui s'y mire : s'immisce !
    - Qui ?
    - La lune qui décroche nos visages pour les dénuder
    - La lune qui pourrait vouloir décrocher le visage de la fillette à tresses pour son souffle clair comme de l'eau de roche


    «  Sur la fenêtre un sablier file une laine où le temps /
    suspendu roucoule /
    Le paysage indifférent s'ébroue cerné par le bois vieux /
    menuiserie d'aïeul /
    Rien ne peuple les six carrés qu'une menue volaille blanche /
    une meule de paille une branche le cul d'un âne /
    Mais la fillette à tresses sait qu'à ce cheveu de sable /
    tient son souffle verte araignée frêle qui tremble. ( . . . ) »

    Jean JOUBERT – '' Le sablier '' - Extrait de mon exemplaire N°56 signé par Jean Joubert avec une illustration de J-J Beyrière - Editions du Castor Astral - ''Collection phoenix'', 1977 -

    °°°°

    Ravie de l'annonce de votre prochaine publication, ici, de vos gravures et textes de jean Joubert, l'ensemble extrait de ''Une maison de miroirs'' parue aux Editions D. Bedou.

    °°°

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  22. On sursaute devant ces gravures comme des griffures sur la figure .... On est interpellé par ce texte et les mots agrafent l'enveloppe laissant poindre un destinataire aux allures mélancoliques ...
    J'aime beaucoup ... :)
    Je m'y attarderais un peu plus quand je rentrerais du travail ... :)
    Douce journée ...

    Ps: Pour la statue qui orne mon texte , je l'ai photographié sans avoir demandé quel artiste était derrière ... désolée mais promis je le ferais la prochaine fois ( j'étais surtout intriguée devant cette femme que j'ai décrite )

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  23. Rare et ancienne édition de ce poème de Jean Joubert dont je vous remercie Isabelle dalbe de le porter à notre connaissance !

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  24. merci,pour votre comentario, soy un poco lenta en el computador asi que solicitare que me ayuden con el tema del traductor. estoy aprendiendo mucho y soy muy feliz por eso.

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  25. merci de votre visite mon blog, grand poème ... grazie

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  26. pouvoir mettre sa souffrance en mots ou en peinture, c'est une chance et un grand privilège...ça l'exorcise et la rend presque belle...

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  27. versus, comme tu es né sous le signe du verseau , j'espère que je n'ai pas déjà loupé ton anniversaire...

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  28. @Carmen,
    Bienvenue à vous !
    @La Dolce vita,
    Quel nom chargé de cinéma ! Et vous nous gratifiez de votre présence en image !

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  29. On peut aussi exprimer la joie ***Isabelle*** !
    Depuis un certain temps, je ne compte plus les ans mais les projets qui me reste à réaliser...
    Mais votre attention me touche .

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  30. les projets, les envies..oui c'est ce qui nous fait exister...

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