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jeudi 9 janvier 2014

Peindre le reste






 " «Ceux qui cherchent à expliquer un tableau font la plupart du temps fausse route.» 
C'est Picasso lui-même qui nous prévient. Et même ici, où nous tenons tous les intermédiaires, expliquer n'est rien d'autre qu'un jeu d'hypo­thèses. Sans doute y a-t-il un lien, une succession que l'on peut suivre, et qui nous donne le senti­ment de cheminer dans une clarté croissante -celle de la compréhension. Seulement cette compréhension n'est pas telle qu'elle nous permette d'expliquer, c'est-à-dire de déduire l'œuvre finale des éléments complètement ras­semblés comme leur conséquence nécessaire. Et, à aucun moment, le dessin du jour ne peut être considéré comme la conséquence du dessin de la veille. Il y a, à chaque instant, un saut, un coup de dés, une ouverture imprévue, l'instant terminal étant non point l'aboutissement de ces sauts, la réduction ou la compensation de ces écarts, mais le saut auquel le peintre choisit d'arrêter son bondissement. Si complets que soient les éléments, si précise l'analyse, il y a, à chaque instant et à leur terme, un reste — et ce reste n'est rien moins que l'acte créateur lui-même, dans chacun de ses avatars et dans son avatar final."

Gaëtan Picon, 
" Pablo Picasso La chute d' Icare " Les sentiers de la création, Albert Skira éditeur 1971.



Photo Versus

19 commentaires:

  1. un peu comme les nuages, les écorces réservent quelques surprises. Ici une robe sans corps et pourtant en formes.
    Bzzz... c'est un test de ? m'en souviens plus.

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    1. Pourtant, ne peut-on parler ici d' une vie et de ses cicatrices?
      Comme un peau qui serait notre langage.

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  2. c'est une hamadryade.. explication donné par tilia...:))

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    1. Dans ce cas précis, la nymphe est urbaine...dans son arbre, certes!

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  3. Très complexe cette approche... Devant la toile (peinture contemporaine) deux cheminements possibles : laisser aller les sensations, faire agir une mémoire qui introduit à l’œuvre, à l'artiste, découvrir que ce qu'on voit n'a jamais été vu même si on reconnaît la signature de l'artiste, son univers pictural. Alors on ose oublier, se lancer, oser le regard neuf. On entre dans une relation colorée, un apprentissage de la matière colorée. Puis des lignes, des signes qu'il ne faut pas forcément justifier. La toile devient passage du silence et renvoie pour un temps, les mots au loin. Contemplation. Plaisir ou gêne visuels. On laisse l'interrogation du sens, les ressemblances, Ça existe...
    Plus tard, l'écriture reprendra ces traces. L'art reviendra se nouer au langage et ses codes. Mais y a-t-il passage entre ce monde visuel de silence et la parole, On se tient entre les deux. L'art ? dévoilement sans fin... Que cherchent ces peintres aphones, en exposant leurs œuvres ? Qu'attendent-ils de nous ? Qu'est-ce que cette surface colorée ? Peindre pour dire l'échec de ne pouvoir... dire. Équilibre instable de la communication. Résistance.
    Manet, le premier, peut-être, fit passer le traitement pictural avant l'intérêt anecdotique, psychologique, figuratif. La peinture ne raconte plus autre chose que la couleur, un monde structuré de signes plastiques abstraits, un espace dynamique. Mais il y a des clés, un apprentissage à ne pas mépriser, une histoire de la peinture.

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    1. Dans un premier temps, Christiane, je vais vous répondre par cet autre texte de Gaëtan Picon extrait de son " Admirable tremblement du temps " paru aussi chez l' éditeur Skira en 1970 :

      " Eclats, brisures de ce qui surgit et s'efface, séismogrammes de la fondation et de l'effondre­ment, risées venues en surface ou se retirant, tracés tremblants, les mêmes trajets pour l'es­quisse et pour la craquelure... Quand Delacroix voit dans la touche l'un des moyens les plus convaincants de la peinture et qu'Ingres la pros­crit, disant qu'elle dénonce la main alors que l'objet seul devrait s'annoncer, leur opposition n'est pas seulement de technique. Et quand il arrive à Durer (rarement) de ne pas remplir un espace ou de ne pas continuer une ligne, tout se passe comme si le temps, échappant à l'obstruc­tion des encombrements méticuleux et au piège des nervures immuables, trouvait, dans le vide entre les formes et les interstices des hachures, la voie de sa respiration." ( page 91 )

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    2. Très belle méditation. Je suis sensible à la fin du texte "quand il arrive à Durer de ne pas remplir un espace ou de ne pas continuer une ligne (...) le temps (...) trouve dans le vide (...) la voie de sa respiration". Voilà un arrêt dans l'acte de peindre ou de dessiner qui laisse quelque chose d'extérieur entrer, habiter, s'épanouir dans une œuvre inachevée et ce "rien", épargné, s'il est préservé sera ce qui manquait à ce qui a été inscrit pour que, apparition et disparitions sédimentent du temps sur la plaque de métal à graver, le papier ou la toile. une ellipse.L'art du visible enfoui dans l'invisible. Aller au-delà du désir de possession dans l'acte de peindre (ou de dessiner). je pense soudain à la peinture de Morandi si proches de l'oubli.

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  4. En art la compréhension nuit-elle à la sensation ?

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    1. Pas le moins de monde.
      Il me semble pour ma part que le " comprendre " absorbe la sensation, la dissèque, la prend sur soi et nous la restitue autre grâce au langage lui aussi différent.
      Il en va tout autrement de l' analyse.

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  5. Sur l'écorce, la cicatrice est fort bien (dés)habillée

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  6. Rien à dire, si ce n'est mon plaisir à venir, voler quelques sensations ou écouter ce que vous évoquent ces images.

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  7. Mais rien est à voler ici, tout est à prendre (apprendre) même pour votre serviteur!
    Et en ce qui concerne les sensations, vous les éprouvez à titre personnel, de façon très subjective, alors?
    Aucun souci.

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  8. L'art du peintre : le saut en couleurs.

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    1. La couleur, ...toute une histoire en peinture et plus d' un saut!
      Bien à vous.

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  9. La couleur est-elle élastique?

    D.P.

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    1. Peut-on confondre élasticité et intensité?

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    2. oui et c'est sa raison d'exister cher Anonyme,question de longueur d'onde et d'atomes crochus.
      Bzzz...

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  10. S'approprier par les yeux, par les sens... et se laisser aller, creer pour donner vie.

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