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dimanche 6 janvier 2013

Les restes de la fête







Soit une mise en ordre arrangée avec parcimo­nie. « Rien ne se perdra de ce qui se créera », était-il décidé. Et voici que survient une explosion fugace mais concertée, imprévue mais attendue : la fête.
Ce qui fut tenu bien serré de longue date se relâche. Ce qui fut retenu se détend.
Soit une accumulation, d'une part, et de l'autre des conduits, des canaux, des plis pris à maintenir et à guider dans des délimitations données tout produit d'un travail (et le travail lui-même). Soit l'énergie, d'une part, l'excès de son produit, d'autre part. Le recueil de sa suée, la conversion de sa chaleur.
Voici la dépense infinie dans tous les sens (plus de pli, ni de canal, ni de réservoir). Elle emporte l'excès. L'énergie elle-même est l'excès. Excès de tout, tout est excès, et justement déborde. Gas­pille, dit-on, mais ce sont les autres qui le disent. Qui ne sont pas de la fête, qui ne sont pas dans la fête.











Ce qui déborde à la dépense s'épuise, à l'explo­sion se consume. En retombent, épars, les débris. Cela se produit la plupart du temps au lever du soleil. Au petit matin frileux. Ce sont là les restes de la fête. Ses scories. Après la mise entre paren­thèses de l'utile et de l'ordre, ils ne sont pas le désordre d'une abondance soudaine, mais, après lui, ce qui, au-delà de l'ordre et du désordre, gît là, oublié de tous.
Parfois, certains passent et ramassent ces restes, s'imaginent avec eux d'autres fêtes. Alors fêtes d'une autre nature, elles sont la perte succédant à la perte, la nudité qui devient profuse avec de la nudité. Les objets qui s'y prêtent n'ont plus leur place ni dans l'économie ni dans la dépense. Leur lieu ne leur est plus assigné dans ce procès.






Transis dans leur étrangeté d'après le temps le plus fort, ils sont le petit contentement et la fruga­lité des fastes. La chaleur des réjouissances y est celle du point aigrelet de la flamme d'une bougie.


Daniel Klébaner Poétique de la dérive Le Chemin Gallimard 1978.









L'ensemble des photographies Versus.



21 commentaires:

  1. en regardent et en lisant ces lignes.. me viennent plusieurs images..(je suis une ex-décoratrice ) nous payons dès ce mois ..une taxe de 2 francs pour chaque poubelle de 35 l.. pour liquider les restes de la fête..faut commencer d'économiser au début de cette année..

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    1. Ah la Suisse, pays de la propreté...!
      Il est vrai que l'euro fait un peu moins franc.
      Bonne journée à vous Elfi.

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  2. De beaux points de vue, versus !

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    1. J'ai mis aussi en ligne joye, ces restes jetés près des poubelles comme si la fatigue empêchait quiconque de jeter ses détritus à la benne. Ici aussi on risque l'amende pas très honorable mais ces vestiges n'ont pas de signature!

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  3. Excès,,, je retiendrai ce mot : excès
    Nous sommes dans un monde d'excès
    Excès de richesse et de pauvreté
    Excès de vitesse et de somnolence
    Excès de média et d'ignorance
    Excès de poids et de faim
    Excès de bio et de mal-bouf
    la liste est longue

    et surtout nous avons perdu le sens de la fête

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    1. Alors que nous sommes dans l'excès de la "fête"!
      "L'homo festivus"...

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    2. "l'homo festivus" de Philippe Muray… voilà une excellente (re)lecture pour 2013

      http://www.philippe-muray.com/extraits-philippe-muray.php

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    3. Et pour aller plus loin dans le débat sur cet auteur discuté, TG,
      Un collectif sous la direction de Alain Cresciussi Lire Philippe Muray Essais chez Pierre Guillaume de Roux 2012.

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    4. arrières pensées de la fête les souhaits de bonne année

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    5. Mais déjà bon pied, bon œil.
      Sans faute aux graphes!

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    6. Finalement, dès qu'un auteur, et dans ce cas précis un sociologue, n'est pas bien de gauche (comme il faut), il y a collectif pour le qualifier de "Discuté"…

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    7. Il s'agit surtout de discussions autour des multiples aspects que l'on peut développer à partir de l’œuvre de Muray dans ce livre TG.
      Discuter,disputer au sens de la "disputatio".
      Les œuvres problématiques sont passionnantes en ce sens!

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  4. Les lendemains sont aux lavements ce que les fluides sont aux récipients.

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  5. Cette poétique de la dérive nous amène à des rives d'espoir d'autres fêtes qui n'exclueraient personne, des fêtes de partage et d'amour réciproque car il paraît que donner c'est aussi recevoir ...une notion que les grands (pas en taille ni en noblesse) ont oubliée depuis longtemps, leurs ventres repus n'entendent plus que les gargouillis de leurs viscères sutchargées ...

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    1. Et les petits, secs envieux et maigrichons, les extrêmes puritains de l'âme et de l'esprit..Ils ne tiennent même pas la place d'un mouchoir de poche!
      :)

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  6. Une fête honnête... ce peut être un sourire, un bonheur d'être ensemble, un coup de téléphone, une... lettre, une promenade dans la ville ou loin de la ville, une fête des yeux, corps aimé ou toile dans une expo, une musique, une conversation. Tout ce qui fait soudain que des petites étoiles scintillentent sur le difficile des jours.
    Peut-être ces vestiges ont-ils une mémoire de solitude dans la foule ou de bonheur perdu, quelque part. Les objets auraient tant à dire...
    Peut-être aussi des lumières et un bon repas pour des malchanceux sur une péniche, un soir, sur la Seine... Enfin, ne pas trop se fier aux apparences. Qui sait dans tous ces cœurs la parole tue, le rêve approché...
    Pourquoi, du reste, cette fin décembre est-elle si difficile à passer qu'il faille éteindre ce qui passe comme le temps, ce qui change comme l'année dans ces sortes d'étourdissements ? C'est un peu comme un anniversaire : un an de plus... ou un an de moins avant la mort. On souffle une bougie...
    Je crois que ces libations sont un trompe-la-mort, un trompe-l'angoisse, un oubli volontaire de tous les tracas, de toutes les peurs le temps d'un baiser.
    Vivre modestement, calmement ce tour de cadran, pour être en harmonie avec la vie, avec le temps... avec les autres...

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    1. Quelle sagesse pour une année déjà entamée Christiane!
      Bien à vous.

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    2. Il me faut du temps... pour parler du temps...

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  7. Petit confetti perdu... qui nous rappelle la fête passée et nous en fait espérer d'autres.

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    1. Comme aussi un ticket poinçonné aux Lilas s'échappant vers le jour!

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