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mercredi 19 décembre 2012

A HUE ET A DIA







" Souvent on dit une grande parole, pour empê­cher une petite de venir. Cette grande toutefois ne vient pas seule. Comme elle n'est bonne à rien, non réchauffée par pression environnante, il en faut des mille, des mille, pour dresser une sur­face et obscurcir la personne derrière cette surface.





 A l'ombre des murs de papier, les piteux défilent.
Mais il vient toujours de nouvelles couches pour appuyer le barrage établi, qu'il faut sou­tenir.






 Chaque matin (et aussi chaque soir), l'instru­ment de masse vient faire son obturation. Tout le monde, la monnaie à la main, se précipite, avide de saisir enfin pour de bon le bois solide de la réalité vraie. Mais il n'y a que papier pour barrage, pour barrage de plus en plus épais, de
plus en plus renforcé pour empêcher que passe jamais une petite parole entre les pans des grandes.







Les équipes nouvelles surgissent dans l'agitation, le vacarme ne disparaît jamais et la vie s'écoule entre des années de tambour."

Henri Michaux, Passages Gallimard 1967.

L'ensemble des photos Versus

17 commentaires:

  1. youpiiii...je suis la première! A HUE ET A DIA...une expression souvent utilisée par mon grand- père! à laquelle je ne comprenais rien ( je pensais que le hue avait un rapport avec un animal de trait que je voyait nulle part...mais le dia ? ...)et aujourd'hui bien que je sache l'Étymologie de cette expression, je me dis : mais quel message a-t-il bien voulu faire passer ? la façon incohérente ou contradictoire dont la presse nous assaille ? ....Je suis en vacances! pouce !

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    1. Ah,ah, Gwendoline, il faut choisir le bon cheval!
      Notre poète se positionne "contre", comme il le dit ailleurs dans son œuvre.
      Il n'a pas encore trouvé la " petite parole", le mot pur. Le cherche t-il d'ailleurs?
      Donc il avance contradictoirement, il avance en sens contraire et ses mots inadéquats, ses gros mots,ce " barrage", disent en creux sa poésie profonde.
      Les mots ne vont pas forcément dans le sens que l'on veut!
      Et il faut quand même les monter en "mur" et leur lamentation ou leur violence à peine retenue diront ce qu'il ne dit pas, lui.

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  2. Les mots de Michaux restent pour moi aussi un mystère, cependant, ainsi mis en scène, ils font leur chemin pour créer des petites et des grandes idées.

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    1. Ötli, les mots battent le tambour, ça fait du bruit, entre deux battements, cherchons la poésie!
      Ciao.

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  3. Un po' come dietro lo specchio!
    Ciao, carissimo:)

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    1. Eh oui, giacy.nta, sauf qu'il faut le tenir fermement ce miroir, simplement pour voir!

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  4. je me suis toujours demandé ce qu'étaient les grandes paroles surtout accompagnées de grands gestes et d'une grande voix ! faudrait-il mettre le feu aux barrages
    pour entendre des mots et des silences qui en disent long?

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    1. C'est un peu comme une construction destruction.
      Mais aussi nous dit H. Michaux :
      " Sincère? J'écris afin que ce qui était vrai ne soit plus vrai. Prison montrée n'est plus une prison." (Passages)
      Un exemple que j'ai publié à la suite dans la foulée, juste après votre commentaire, Marty!

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  5. Dans ce même recueil, Passages, Henri Michaux nous musique ce " tambour", ce haut de contre :


    Le mal, c'est le rythme des autres.

    Pourquoi je joue du tam-tam (1) maintenant?
    Pour mon barrage
    Pour forcer vos barrages
    Pour franchir la vague montante des nou­veaux empêcheurs
    Pour m'ausculter
    Pour me tâter le pouls
    Pour me précipiter
    Pour me ralentir
    Pour cesser de me confondre avec la ville
    avec EUX avec le pays avec hier
    Pour rester à cheval

    Contre Versailles
    Contre Chopin
    Contre l'alexandrin
    Contre Rome
    Contre Rome
    Contre le juridique
    Contre le théologique
    Contre Rome
    Tam-tam à la critique
    Tam-tam broiement
    Tam-tam toupie
    debout le dos tourné à la tombe
    sans dynastie sans évêché
    sans tutélaires sans paralyseurs
    sans caresses sans s'incliner
    Tam-tam de la poitrine de la terre
    Tam-tam des hommes le cœur semblable à des coups de poing
    Contre Bossuet
    Contre l'analyse
    Contre la chaire de Vérité
    Pour casser
    Pour contrer
    Pour contrecarrer
    Pour pilonner
    Pour accélérer
    Pour précipiter
    Pour jeter à bas
    Pour quitter le chantier
    Pour rire dans le brasier
    Pour dévaler
    Pour dévaler
    Contre la harpe
    Contre les sœurs de la harpe
    Contre les draperies
    Pour dévaler
    Pour dévaler

    Pour dévaler
    Pour dévaler

    Contre le Nombre d'Or.
    (1949)

    1. Je devrais dire plutôt tambour africain.

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    1. Ces "contre", c'est comme un tir de barrage à la non-poésie, on tape du tambour un peu à la folie comme peuvent le faire les enfants dans un déchaînement très ludique.

      Anne-Claire

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    2. Notre "barrage", ne serait-ce pas notre fond commun de langage?
      ( J'aime bien votre remarque, anonyme!)

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  6. je vous souhaite un joyeux noël Versus et
    merci à vous !

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    1. Que les soleils sont beaux dans les chaudes soirées,
      Que l'espace est profond, que le cœur est puissant!...
      Charles Baudelaire.

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  7. Un très bon et beau texte!

    Ce que Michaux dit des "grande et petite paroles" est limpide et fort.

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    1. Je vous donne entièrement raison, Michèle Dassy!
      Soleil de décembre ici!

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