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lundi 6 août 2012

Les vacances de l'objet








" Le plus souvent on a le plus grand mal à imaginer derrière la perfection machinique de l'objet de série, non seulement un auteur qui l'aurait conçu, mais la main de quelqu'un, ou simplement un travail physique quelconque. L'idée même d'un "travail », derrière certains objets, paraît parfois de trop. Rien de plus insaisissable dans la manufacture que la trace d'une main. Ce n'est même pas qu'on soit impuissant à l'imaginer, c'est qu'on n'y songe même pas. Derrière ce genre d'objet, il n'y aurait personne, qu'une parfaite machine, produite elle-même
par d'autres parfaites machines... Au point qu'on est tout surpris de découvrir, au hasard d'un reportage télévisé, le type qui, à genoux et langue tirée, aura passé un temps infini à polir un miroir absolument parfait, sans aucune trace justement, ni de machine, ni de lui ; on pourrait dire qu'il ne travaille qu'à effacer
toute trace de travail, il travaille à s'effacer lui-même.
Comme si la grande industrie partageait avec la science moderne le souci d'écarter et d'effacer toute trace de sujet ( mais il n'y a que des sujets pensants qui puissent même penser effacer des traces, et effacer leurs propres traces)."


 
Gérard Wajcman L' objet du siècle Verdier éditeur 1998.








Photos Versus 2012.

19 commentaires:

  1. Mal à imaginer peut être... Pourtant on peut rêver que la borne de pierre a mis à mal plus d'un carrosse!

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    1. Mais oui, manouche, cette borne à plus d'un siècle!
      Et l'enjoliveur trouvé là, tel quel, en plein centre ville.
      En face une porte de 1643 et encore derrière, une voûte du quinzième siècle. Du fait main!

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  2. manufacture,ce souvenir du catalogue de St Etienne j'aime aussi "travaux à façon" qui ne veut pas dire faire des manières.

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  3. entre la pierre taillé et l'enjoliveur.. deux mondes..

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  4. ah, bravo !!! J'aime beaucoup cette idée que les objets égarés sont tout simplement en vacances !

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    1. L'objet est vacant, libre, hors fonction, en liberté volontaire ou non. je parle de l'enjoliveur qui porte bien son nom. Mais dans ce cas bien précis, à qui, à quoi donne t-il sa beauté usinée?
      A bientôt!

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  5. Comme deux ennemis jurés qui auraient fait la paix. Pot de fer pot de terre au coin d'une venelle, intemporels.

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    1. Mais la roue n'amasse pas mousse, contrairement à la pierre!

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  6. Comme une roue orpheline à la Marcel Duchamp?

    Armelle.

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  7. Je comprends enfin la raison qui me pousse à rechercher des objets abîmés : une trace de vivant...
    Tout ce qui est parfait est clos. Il faut un manque, une faille pour que se glisse un désir de cheminer, d'être avec, d'entrer en relation. La perfection est ennuyeuse et ne reçoit que la froide admiration. Plus le temps passe, plus les objets deviennent fragiles, émouvants, patinés par le temps.
    Mais c'est très beau, aussi, d'évoquer ce travail de l'artisan qui vise à la perfection et qui s'efface dans l'objet achevé.

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    1. Mais n'est-ce pas l'épaisseur du temps qui traverse l'objet, parfaitement usiné ou brocante défaillante, qui en fait l'essentiel de son intérêt pour chacun d'entre nous?

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  8. Ce sont peut être les gens dont le regard tombe ou s'attarde sur eux qui donne une "âme" aux objets utilitaires ou non, plutôt une allure plaisante ou étrange. Ainsi une bouilloire ancienne tout ce qu'il y avait de plus quotidien devient belle et décorative après un siècle ou deux, avec le temps, le temps qui n'est que du présent passé.

    Les objets faits à la main peuvent , si on y songe, nous impressionner davantage que ceux fabriqués à la chaîne anonyme.

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    1. Mais ne croyez-vous pas, Michèle Dassy, que l'on puisse se projeter autant et aussi intensément dans un objet fabriqué?
      Cela existe les amoureux de la selle de vélo, les fanatiques des interrupteurs et prises de courant, des tirelires américaines, des fèves des rois, des plumes pour porte-plume...!

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  9. Bien sûr! D'ailleurs je n'ai aucune préférence pour le passé et les choses anciennes.
    Bonne journée, versus :) !

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  10. PS J'adore les prises de courant, les doigts dans la prise. (cft france inter)

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    1. C'est Jean Michel Folon qui était fasciné par les interrupteurs et prises de courant.
      Cette passion a même fait l'objet d'une exposition en Musée.
      Mais cela m'a donné l'idée pour un prochain message...
      ( Il dit quelque part : "J'ai vécu quatre ans avec un interrupteur.")

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